Imágenes de páginas
PDF
EPUB

même pas encore été commencées par l'héritier bénéficiaire lorsque des créanciers de la succession s'étaient mis en mesure d'en introduire; aussi l'on voit que les règles établies par l'arrêt sont générales, et ne souffrent d'autres limitations que dans les cas où l'héritier commettrait des négligences ou des malversations dans la liquidation de l'hérédité et la vente des biens qui la composent. Mais, il faut l'avouer, en rapprochant de ces mêmes règles le principe d'abord reconnu par la Cour, que « les créanciers d'une succession bénéficiaire ont « le droit incontestable, en vertu de leurs titres, de < procéder par voie de saisie-mobilière et immo<< bilière sur les biens de leur défunt débiteur, » on cherche vainement une juste et satisfaisante liaison entre la prémisse et la conséquence.

Quoi qu'il en soit, d'autres cours (1), et la Cour de Paris elle-même (2), ont jugé au contraire que

(1) Celle de Bourges : arrêt du 15 mars 1832 (Sirey 22-2-269); de Toulouse : arrêt du 17 août 1822 (Sirey, 23-2-193); et la Cour de cassation, qui, par son arrêt de rejet du 8 décembre 1814 (Sirey, 15-1-153), a décidé, en confirmant un autre arrêt de la Cour de Bourges, qu'un créancier avait pu valablement former des saisiesarrêts entre les mains des débiteurs de l'hérédité, quoiqu'il eût déjà formé opposition entre celles de l'héritier bénéficiaire.

(2) Voy. l'arrêt du 24 février 1825 (Sirey, 26-2-31), qui a jugé que l'expropriation des immeubles d'une succession bénéficiaire peut ètre poursuivie par les créanciers de l'hérédité..... surtout lorsque les héritiers ne justifient pas de poursuites faites par eux.

Enfin, sans parler de quelques autres décisions semblables, on peut encore citer celle de la Cour de Douai, du 4 mars 1812 (Sirey, 12-1-392), qui a pareillement jugé qu'un créancier de la succession (c'était la régie des Domaines), avait pu faire saisir et vendre

l'administration confiée par la loi à l'héritier bénéficiaire ne fait aucun préjudice au droit, pour les créanciers, et résultant de leurs titres, de poursuivre d'eux-mêmes le paiement de leurs créances sur les biens de leur défunt débiteur; que la mort de celui-ci n'avait pu apporter aucun changement dans ce droit; qu'il n'est pas exact de dire que l'héritier bénéficiaire représente les créanciers de l'hérédité, puisqu'il a souvent et presque toujours des intérêts opposés aux leurs, et que ce n'est point pour eux, mais bien pour lui, qu'il s'est chargé de cette administration (1); qu'il est toujours propriétaire des biens, pouvant d'un instant à l'autre répudier la qualité de bénéficiaire ou en être dépouillé; qu'il n'y a rien à inférer, contre les droits particuliers des créanciers, de ce que la loi prescrit à l'héritier bénéficiaire de ne vendre les biens de la succession qu'en observant telles ou telles forformalités à peine de devenir héritier pur et simple; que sans doute il doit les vendre de cette manière, s'il y a lieu à les vendre, mais que cela ne signifie point du tout que le droit commun est paralysé dans la main des créanciers: or le droit commun autorise un créancier non payé à faire saisir et vendre les biens de son débiteur, mort ou vivant, n'importe, puisque la loi ne distingue pas; enfin de ce que, dans l'art. 2146 du Code civil, la succession bénéficiaire est assimilée à l'état de faillite, relativement au non effet, par rapport aux créanciers, de l'hypothèque qui serait prise par l'un d'eux dans le délai qui y est indiqué, et de ce que les dispositions du Code de commerce (art. 532) veulent que la vente des biens du failli ne puisse ètre faite qu'à la poursuite et diligence des syndics de la faillite, il n'y a pas à conclure que celle des biens d'une succession bénéficiaire ne peut être poursuivie que par l'héritier, attendu que la parité n'existe pas. Les syndics sont les véritables représentans de la masse des créanciers, et ne peuvent pas être chose en cette qualité, tandis que l'héritier, quoique bénéficiaire, est le représentant du débiteur défunt, ce qui impliquerait contradiction s'il était en même temps celui des créanciers, dont les intérêts sont opposés. Le failli est dépossédé de l'administration de ses biens par le seul fait de la faillite; l'héritier bénéficiaire est au contraire investi de la possession de ceux de la succession dès la mort du défunt, comme s'il eût accepté purement et simplement : le failli et les créanciers sont donc cumulativement représentés par les syndics ou administrateurs, tandis que l'héritier bénéficiaire n'est représenté par personne, et ne représente non plus personne, si ce n'est le défunt; ce n'est pas un simple administrateur pour d'autres, quoiqu'il soit chargé d'une liqui dation: c'est un héritier bénéficiaire s'il se conforme aux règles prescrites; un héritier pur et simple s'il les enfreint, et voilà tout (1).

le mobilier, avant même que l'héritier eût encore pris la qualité de bénéficiaire.....

(r) C'est le principal motif sur lequel s'est fondée la Cour de cassation dans son arrêt du 8 de décembre 1814, précité.

39. D'après ces principes, on peut très-bien contester la justesse d'une décision de la Cour de Paris (2) qui a jugé, attendu que l'héritier bénéficiaire est administrateur légal des biens de la succession et qu'il procède dans l'intérêt commun de l'hérédité et des créanciers, que les jugemens rendus contre lui, en cette qualité, sont censés rendus contre l'hérédité elle-même, et par conséquent que les créanciers n'y peuvent former tierce opposition.

Cela serait incontestablement mal fondé dans le cas où l'héritier aurait colludé avec l'autre partie; mais de plus, il est dangereux de consacrer en principe pur que les créanciers sont tellement représentés par l'héritier bénéficiaire, que la négligence même de cet héritier ou de son défenseur, ou l'inhabileté dans la défense, leur doivent devenir fatales. Sans doute il ne serait pas juste qu'un tiers, plaidant avec l'héritier bénéficiaire, pût toujours être attaqué avec espoir de succès par les créanciers, en gagnant sa cause, et qu'il ne courût pour ainsi dire que la chance défavorable; mais entre ces deux décisions, qui nous paraissent extrêmes, nous croyons qu'il y a un juste milieu. Les juges de la tierce

(1) Telles sont les raisons génerales qui ont principalement déterminé la Cour de Toulouse dans l'arrêt que nous avons cité plus haut.

(2) Du 23 novembre 1825. Sirey, 26-2-573.

opposition formée par les créanciers devraient prendre en considération non-seulement le cas de fraude ou de collusion de l'héritier, sur lequel tout le monde est d'accord, mais aussi celui de négligence ou de défaut de lumières; et ce ne serait point répondre que de dire que l'héritier lui-même est tenu, envers les créanciers et autres personnes intéressées, de sa faute grave; oui, il en répond, mais sans préjudice des droits de ces créanciers fondés sur leurs titres, ce qui, dans la plupart des cas vaudra infiniment mieux pour eux que cette responsabilité indéterminée, et d'une application toujours plus ou moins difficile, en admettant même que celui qui en est tenu soit solvable.

§. IV.

Des effets du bénéfice d'inventaire.

40. Indépendamment de l'exception dilatoire dont il a été précédemment parlé, et que l'héritier peut invoquer tant qu'il n'a pas encore, dans les délais de droit, fait sa déclaration au greffe, les effets du bénéfice d'inventaire sont:

1o De donner à l'héritier l'avantage de n'être pas tenu du paiement des dettes et charges de la succession au delà de la valeur des biens qu'il en a recueillis;

2o De pouvoir se décharger du paiement de ces dettes et charges, et de l'administration des biens de la succession, en abandonnant ces biens aux créanciers et aux légataires;

« AnteriorContinuar »