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en un mot, du bénéfice qu'elle m'accordait. C'était en effet une question d'intention, et l'intention de conserver le bénéfice d'inventaire doit naturellement se présumer, parce que personne n'est censé vouloir abdiquer un droit acquis. Autre chose eût dù se présumer sans doute, si, au moment de la vente, ce bénéfice n'avait pas déjà été invoqué; on aurait dû croire alors que l'héritier n'en voulait pas faire usage, et c'est dans cet esprit qu'est conçu l'art. 780 précité; mais dire qu'il y a acceptation tacite, et par là renonciation tacite au bénéfice d'inventaire, c'est décider la question par la question; et c'est même, selon nous, une erreur, parce qu'on ne peut raisonnablement voir dans cette vente rien autre chose, si ce n'est que l'héritier a voulu par là mettre un autre à son lieu et place, lui conférer ses droits tels qu'ils étaient en ce moment, par conséquent avec le bénéfice d'inventaire, puisqu'il l'avait déjà réclamé.

C'est même ce qu'a implicitement reconnu la Cour de Paris dans la seconde affaire, puisqu'elle ne s'est déterminée, comme le contexte de l'arrêt l'indique clairement, surtout en le rapprochant de l'analyse des faits, que parce que ni l'héritier, ni l'acquéreur, n'avait fait l'inventaire prescrit par l'art. 794, avant d'avoir touché aux biens. Aussi approuvons-nous pleinement ce dernier arrêt, attendu qu'il ne suffit pas, pour être héritier bénéficiaire et conférer, au cessionnaire des droits successifs, les effets attachés à cette qualité, d'avoir

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déclaré qu'on entend n'accepter que sous ce mode; il faut de plus', avant de toucher aux biens ou de permettre à un autre d'y toucher, comme dans l'espèce du second arrêt, faire l'inventaire, ou tout au moins le faire faire par l'acheteur, qui serait considéré à cet égard comme procurator'in

rem suam.

Et nous aurions été complètement de l'avis du premier arrêt, si l'acheteur lui-même eût disposé des biens sans remplir les formalités prescrites à l'héritier bénéficiaire: c'eût été comme si ce dernier l'eût fait; car l'héritier eût dû répondre des conséquences des faits de l'homme de son choix, de son substitué, tout comme un héritier donataire assujetti au rapport, et qui a vendu l'objet qui lui avait été donné, répond des dégradations commises sur cet objet par l'acquéreur (art. 864). Mais rien n'indiquant qu'il en fût ainsi dans l'espèce de ce premier arrêt, nous ne saurions en adopter la décision; et nous sommes peu touchés de ce que l'héritier avait vendu, sous sa simple qualité d'héritier, sans dire que c'était sous celle d'héritier bénéficiaire; car le mot héritier, dans la situation où se trouvait alors l'héritier, sans autre addition ni désignation, devait s'entendre de la qualité qu'avait celui-ci au moment où il prenait ce titre nuement, selon la qualité déjà fixée sur sa tête à cette époque, ainsi que l'a très-bien jugé, selon nous, la Cour de Paris, le 8 janvier 1808. (Sirey, 10-2-504). Or, en ce moment, il avait la qualité d'héritier bénéficiaire par la déclaration qu'il se trouvait avoir faite au greffe du tribunal de l'ouverture de la succession.

Au surplus, il ne saurait, selon nous, y avoir de difficulté sérieuse, si dans l'acte de vente l'héritier prenait le titre de bénéficiaire ou déclarait positivement vendre ses droits avec le bénéfice d'inventaire déjà invoqué par sa déclaration au greffe, et si d'ailleurs l'inventaire régulier et en la forme avait été fait par lui ou par l'acheteur dans les délais de

droit.

55. On a aussi décidé (1) que l'héritier bénéficiaire qui passe un compromis sur des contestations relatives à la succession renonce par là au bénéfice d'inventaire, et devient héritier pur et simple; et qu'il ne peut demander la nullité du compromis vis-à-vis de l'autre partie sous prétexte que, l'ayant passé, ce compromis, sans y prendre la qualité d'héritier pur et simple, il avait excédé les bornes du droit d'administration conféré à un héritier bénéficiaire (2).

Ces décisions nous paraissent bien fondées : la dernière surtout est à l'abri de toute controverse.

(1) Voy. l'arrêt de la Cour de Paris du 22 février 1814. Sirey, 14-2-384.

(2) Arrêt de rejet du 20 juillet 1814. Sirey, 15-1-32.

SECTION IV.

Des Successions vacantes.

SOMMAIRE.

56. Résumé de ce qui a été dit au tome précédent au sujet de la succession déférée à l'État comme étant en deshé

rence.

57. Suite.

58. Avant la loi du 14 juillet 1819, il devait y avoir beaucoup plus qu'aujourd'hui de successions en déshérence : cas dans lesquels il peut encore s'en trouver.

59. Dispositions de la régie des domaines relativement à la manière dont doit étre envisagée une succession: ou comme étant simplement vacante, ou comme étant en déshérence.

60. La succession considérée comme seulement vacante. 61. Suite.

62. Faut-il attendre, pour pouvoir faire nommer un curateur

à la succession comme vacante, à l'effet de répondre aux demandes, que tous les degrés dans l'une et l'autre ligne aient renoncé ?

63. Un seul parent connu au degré successible, dans l'unc et l'autre ligne, et qui n'a pas renoncé, fait que la succession n'est point réputée vacante, quoique tous les autres parens aient renoncé.

64. Les parens plus éloignés ne peuvent point forcer ceux qui les précèdent à renoncer ou à accepter.

65. En cas de vacance, un curateur est nommé par le tribunal de l'ouverture de la succession, et non par aucun autre tribunal.

66. Il est nommé à la requéte de toute personne intéressée. 67. En cas de concurrence de plusieurs curateurs nommés, le premier nommé est seul maintenu.

68. Le curateur fait faire inventaire, s'il n'en a pas déjà été fait.

69. Il fait vendre les biens, meubles et immeubles, suivant les formes tracées à cet effet, à la charge de faire verser le prix dans la caisse des dépôts et consignations.

70. Il exerce, sous la méme charge, les droits de la succession contre les tiers.

71. En général, les dispositions relatives à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire sont, quant à l'inventaire et au mode d'administration, communes aux curateurs à successions vacantes.

56. On a vu au tome précédent, section iv et v de ce chapitre III, que, à défaut de parens légitimes dans l'une et l'autre ligne, d'enfans naturels légalement reconnus, et de conjoint survivant, la succession, comme étant en déshérence, appartient à l'État (art. 767 et 768); mais qu'il ne fallait pas confondre avec la déshérence le cas où, même après l'expiration des délais pour faire inventaire et délibérer, il ne se présente personne qui réclame une succession, qu'il n'y a pas d'héritiers connus, ou que les héritiers connus y ont renoncé, cas dans lequel la succession est bien réputée vacante (art. 811), mais non pas nécessairement en déshérence.

Elle ne l'est en effet qu'autant qu'il n'existe réellement personne, soit de la vocation de l'homme, soit de celle de la loi, qui y serait appelé. Or, de ce qu'il n'y aurait pas d'héritiers connus, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'il n'y en ait point, puis

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