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éternelle d'effets sans une cause première (1); ce serait une chaîne sans fin qui ne tiendrait à rien, un poids immense sans un point d'appui. Je conviens aussi que l'idée de la matière ne renferme pas celle d'une force active, de même que celle de la force active ne contient pas celle de la sagesse, parce que les différens attributs d'une seule et même essence peuvent être conçus séparément. J'accorde enfin que les corps ne deviennent pas intelligens en changeant de place et de figure; mais vous attribuez å la matière des propriétés qu'elle n'a pas : la matière et l'étendue sont la même chose (2) ; or vous savez que l'étendue n'a ni couleur, ní odeur, ni goût, et j'ajoute qu'elle n'a ni bornes fixes, ni parties distinctes, ni mouvemens réels: toutes ces qualités ne sont que des idées (3) ou perceptions de l'âme, occasionnées par l'effet de l'immense étendue (4) qui se montre successivement à nous sous différentes formes. Ce principe une fois établi, voici ma véritable doctrine Nous ne pouvons bannir de notre 'esprit les idées d'éternité, d'immensité et d'infinité; elles s'offrent à nous de toutes parts, nous ne pouvons rien expliquer sans elles; ces trois propriétés sont donc les attributs de quelque être éternel, immense et absolument infini (5); il ne peut y avoir d'autre (6) substance que la

(1) Spinosa n'a jamais supposé une succession éternelle de causes secondes sans une cause première. Il réfute cette opinion par le raisonnement de Mr. Wollaston, qui est le même que celui qu'Anaximandre emploie ici. Voyez Spin. Epist. 29.

(2) Descartes. (3) Dr. Berkley. (4) Malebranche. (5) Spinosa dit exactement les mêmes choses: Deus est Ens absolutè infinitum.,

(6) Præter Deum nulla dari nequè concipi potest substantia.

a (1) first cause; this would be an infinite chain hanging upon nothing, an immense weight without a support; I likewise allow that the idea of the matter does not include that of active force, as the idea of active force does not include that of wisdom; because the different attributes of one and the same essence may be separately conceived. Lastly, I grant that bodies do not become intelligent by changing of place and figure; but you ascribe to matter properties which it has nof; matter and extension are the same thing (2); now you know that extension has neither colour, nor smell, nor taste; and I add, that it has neither fixed bounds, nor distinct parts, nor real motions: all these qualities are but ideas (3), or perceptions of the soul, caused by the action of the immense (4) extension, which shews itself successively to us under different forms: this principle being laid down, my real doctrine is this. We cannot banish from our minds the ideas of eternity, immensity and infinity, they every where present themselves to us; we can explain nothing without them; these three properties are therefore the attributes of some eternal, immense and (5) absolutely infinite being; there can be no other (6) substance but his, it is one and it is all; it is the universal being,

(1) Spinosa never supposed an eternal succession of second causes without a first. He confutes that opinion by Mr. Wollaston's argument, which is the same that Anaximander uses here. See Spin. Epist. 29.

(2) Descartes. (3) Dr. Berkley. (4) Malebranche. (5) Spinosa says expressly the same things: Deus est Ens absolutè infinilum.

(6) Præter Deum nulla dari nequè concipi potest substantia.

sienne, il est un, et il est tout; il est l'être uniyersel, et il est tout-à-la-fois étendu et intellectuel (1). Ce qui fait la diversité des êtres (2) ce n'est aucune différence réelle de substance, e, mais celle de la forme : la nature éternelle (3) agit continuellement en elle-même, par ellemême et sur elle-même, et produit nécessairement par-là toutes sortes de formes; ce pouvoir illimité (4) n'est point restreint par ces règles que l'on appelle sagesse, bonté et justice, car elles appartiennent à des êtres finis, et elles n'appartiennent nullement à l'infini. Attaquez ce système par des raisons solides, sans chercher à m'éblouir par des métaphores, par des allégories et par les vaines déclamations d'un

orateur.

Je répondis ainsi : Si vous vous borniez à soutenir que toutes les essences ne sont que des formes différentes de l'essence divine; que notre âme est une portion de l'âme du monde, et

(1) Cogitatio est attributum Dei, sive Deus est res cogitans. Extensio est attributum Dei, sive Deus est res extensa. Substantia cogitans et substantia extensa una eademque est substantia, quæ jam sub hoc, jam sub illo attributo concipitur.

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(2) Res particulares nihil sunt, nisi Dei attributorum modi.

(3) Ex necessitate naturæ divinæ infinita infinitis modis sequi debent. Deus est omnium rerum causa immanens " non verò transitus.

(4) Intellectus, voluntas, amor, ad modos Dei sive entia particularia pertinent, non ad substantiam æternam et infinitam. Vid. Spin. Eth. Part. 1. Def. 6, Prop. 8, 13, 16, 18, 25, 31. et Part. 2, Prop. I, 2, 7, 10, et Scholia.

and is both (1) extended and intellectual; what makes the (2) diversity of beings is not any real distinction of substance, but the difference of form; the (3) eternal nature acts continually within itself, by itself, and upon itself, according to the whole extent of its infinite power, and thereby necessarily produces all sorts of forms; this boundless (4) power is not restrained by those rules which are called wisdom, goodness and justice, for these belong to finite beings, and by no means to the infinite. Let me see you attack this system with solid reasons, without seeking to dazzle my eyes with metaphors, allegories and the loose declamations of an orator.

I answered: If you only maintained, that all essences are but different forms of the divine essence, that our souls are portions of the soul of the world, and our bodies parts of his

(1) Cogitatio est attributum Dei, sive Deus est res cogitans. Extensio est attribulum Dei, sive Deus est res extensa. Substantia cogitans et substantia extensa una eademque est substantia, quae jam sub hoc, jam sub illo attributo concipitur.

(2) Res particulares nihil sunt nisi Dei attributorum

modi.

(3) Ex necessitate_naturae divinae infinita infinitis modis sequi debent. Deus est omnium rerum causa immanens non vero transitus.

(4) Intellectus, voluntas, amor, ad modos Dei sive entia particularia pertinent, non ad substantiam aeternam et infinitam. Vid. Spin. Eth. Part. 1. Def. 6. Prop. 8. 13, 16, 13, 25, 31. et Part. 2, Prop. I, 2, 72 10, et Scholia.

que nos corps sont des parties de son immense étendue, vous ne seriez pas athée, mais vous professeriez des absurdités avec beaucoup d'autres (1) philosophes qui ont une sincère horreur pour toute espèce d'impiété. Ils supposent, comme vous, qu'il n'y a qu'une seule substance dans toute la nature; que l'univers entier est une émanation de l'essence divine, ou qu'elle en est une expansion. Mais ils croient qu'il y a un esprit infini qui préside sur tous les esprits; une sagesse souveraine qui gouverne l'univers, une bonté suprême qui aime toutes ses productions. Ils n'ont jamais imaginé, comme vous le faites, que la substance seule agit sans intelligence ou sans justice, sans connaître ou sans respecter aucunement les relations inimuables et les différences essentielles qui existent entre les êtres. C'est en cela que consiste votre athéisme: et quelle preuve donnez-vous à l'appui de votre opinion? Suffit-il, pour démontrer et pour convaincre, d'entasser proposition sur proposition, de regarder une chose comme reconnue, et d'affirmer avec hardiesse ?

Il répliqua avec une présomptueuse assurance: Tout mon système repose sur ce seul principe (2), qu'il n'y a qu'une seule substance dans la nature. Cela étant démontré, tout le reste suit par une conséquence nécessaire et

(1) Celte opinion était celle des Stoïciens, de quelques disciples d'Orphée et des anciens Panthéistes; et elle est professée par quelques Chinois modernes. Voyez le Disc.

(2) Tout le livre de Spinosa, ses définitions, se's axiomes, ses propositions, ses corollaires et sa scholie tendent à prouver ce principe, ou en dérivent; cela une fois détruit, tout le système s'écroule.

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