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qui représente les trafics respectifs des voies navigables françaises. Alors que les réseaux du Nord et de l'Est s'épanouissent comme les larges feuilles d'un palmier, il semble que le Rhône forme le tronc mince, élancé, presque malingre, d'où part cette frondaison luxuriante sous le poids de laquelle il paraît succomber. Cette représentation est d'autant plus frappante que l'ensemble des marchandises déposées à Marseille couvre une superficie relativement énorme et que l'on est ainsi conduit à se demander pourquoi la voie du Rhône, toute proche, n'en absorbe pas une plus grande partie. Il s'agit donc, en réalité, de parachever une œuvre qui a déjà coûté d'importans sacrifices, sacrifices beaucoup plus élevés que le dernier qui reste à consentir et auquel il est réservé de faire porter aux autres tous leurs fruits.

Si l'on tarde, le mal peut devenir irréparable, et le commerce français entier en portera la peine à jamais; car les courans commerciaux, une fois détournés, ne peuvent plus être ramenés dans leurs anciens lits et les marchandises oublient pour toujours le chemin qu'on leur a laissé désapprendre.

A mon sens, nous avons grandement tort de ne pas nous préoccuper suffisamment de ce qui se passe au-delà de nos frontières,.. de ne pas voyager. Nous sommes les victimes trop résignées des petits intérêts coalisés, des passions de clocher, des exigences électorales et de l'inertie administrative. Aussi considère-t-on volontiers comme des trouble-fêtes, comme des oiseaux de mauvais augure, ceux qui, obligés par profession à parcourir les mers et à entrer en contact direct avec les peuples étrangers, constatent leurs progrès, établissent des comparaisons et poussent des cris d'alarme.

Si nous persévérons dans nos erreurs, si nous nous abandonnons aveuglément au « zèle iconoclaste des démolisseurs d'accords commerciaux, » si nous nous endormons dans une coupable quiétude et dans une confiance irréfléchie en la pérennité de notre situation acquise, nous nous exposons sûrement à un triste réveil.

J. CHARLES-Roux.

LA

221.11

CIVILISATION MYCÉNIENNE

I.

LES FOUILLES ET LES DECOUVERTES DE SCHLIEMANN.

Les hommes de mon âge ont eu d'étranges surprises. Ils sont montés dans les premiers wagons qui aient couru sur les rails des chemins de fer; ils ont envoyé les premières dépêches télégraphiques qui aient volé le long des fils de métal; les premiers, et je les plains, ils ont entendu retentir dans leur cabinet l'odieuse sonnette du téléphone. C'est pour eux que l'anesthésie, en supprimant la douleur, et les méthodes antiseptiques, en prévenant l'infection des plaies, ont permis à la chirurgie de tenter des opérations auxquelles n'auraient pas osé songer, même dans leurs rêves les plus ambitieux, les plus hardis maîtres d'autrefois. C'est à eux enfin qu'il a été donné de voir la lumière du soleil se charger d'imprimer lui-même sur la plaque de verre ou sur la feuille de papier le contour et le modelé des objets, en attendant, ce qui ne saurait tarder, qu'il y dépose jusqu'aux nuances les plus fines de la couleur.

Si toutes ces découvertes, dont nous n'avons rappelé ici que les plus imprévues et les plus mémorables, ont modifié profondément les habitudes des sociétés civilisées et ouvert à la science des espoirs illimités, ceux de nos contemporains qui se sont voués à l'étude de l'histoire et surtout de l'histoire des temps très reculés n'ont pas eu de moindres étonnemens. La conception du passé n'a pas été moins renouvelée que n'a été transformé le présent et préparé l'avenir. Les vieilles écritures de l'Égypte, de la Chaldée et de la Perse, qui n'étaient pour les plus savans de nos pères qu'un grimoire illisible, ont livré leur secret, et des bouches ont parlé que l'on croyait fermées à tout jamais. Ce que ne disaient pas les textes gravés sur la pierre, le bronze et l'argile ou tracés par le calame sur le papyrus et sur le bois, on l'a demandé à des documens d'un autre genre, aux armes et aux outils des peuples disparus, aux bijoux dont ils se paraient, aux ruines et aux plus faibles vestiges de leurs constructions, aux images qu'ils ont façonnées avec plus ou moins d'adresse, quand ils ont voulu prêter un corps aux dieux qu'ils adoraient ou se représenter eux-mêmes, dans la variété des scènes de leur vie publique et privée. Partout les fouilles se sont succédé, conduites avec une méthode et un soin jusqu'alors inconnus; notre curiosité leur a dû de véritables révélations.

Concertant ses recherches avec celles de la géologie, l'archéologie dite préhistorique a singulièrement reculé les bornes de notre horizon. Elle a mis hors de doute l'antiquité prodigieuse de l'espèce humaine. Sans nous permettre d'atteindre des origines qui se déroberont toujours à nos prises ni de dresser le compte de ces siècles oubliés, elle nous a permis de nous faire une idée de la longue série des pensées et des efforts par lesquels l'homme s'est dégagé lentement de la barbarie primitive pour s'élever par degrés à la civilisation. C'est en Égypte et en Chaldée que celle-ci, celle dont nous avons recueilli l'héritage, singulièrement accru par la Grèce et par Rome, paraît avoir allumé ses premiers foyers. L'archéologie classique a démontré, bien plus clairement que ne l'avaient donné à entendre les récits des auteurs grecs et latins, combien furent serrés les liens qui rattachèrent entre elles les différentes nations fixées dans le bassin du Nil, dans celui de l'Euphrate et autour des rivages orientaux de la Méditerranée; elle a fait saisir le sens et le mécanisme des transmissions de procédés industriels et de motifs plastiques qui se sont opérées d'un peuple à l'autre, en telle sorte qu'à partir du moment où ces relations se nouèrent par la guerre et par la conquête ou par le commerce aucune invenTOME CXV. 1893.

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tion utile ne s'est plus perdue. Grâce aux comparaisons qui ont été instituées par une critique minutieuse et pénétrante, on a compris quelle étroite solidarité s'établit entre tous ces groupes, ouvriers intelligens et laborieux dont chacun a bien rempli sa journée, créateurs simultanés ou successifs du patrimoine de théories scientifiques, de pratiques industrielles et de formes d'art que le monde ancien, en mourant, a légué au monde moderne. Celui-ci, surtout depuis la renaissance, s'est sans doute emparé, avec une puissance bien autrement impérieuse, de la direction des forces de la nature; mais le point de départ des progrès récemment accomplis n'en est pas moins dans le travail et dans l'œuvre collective de ces ancêtres lointains dont les titres à notre reconnaissance n'avaient pas été, jusqu'à ces derniers temps, proclamés avec une assez pieuse gratitude.

Ce qui a le plus frappé la foule, dans les travaux des fouilleurs et des érudits contemporains, c'est ce que l'on peut appeler la découverte de l'Orient. Les esprits cultivés ont éprouvé comme une sorte d'éblouissement lorsque les Champollion et les Mariette, les Rougé et les Maspero, pour l'Égypte, les Botta et les Layard, les Rawlinson, les Oppert et les Sarzec, pour la Chaldée et l'Assyrie, leur ont rendu, en quelques années, de quarante à cinquante siècles d'histoire documentée, d'une histoire qui se laisse restituer, en partie tout au moins, avec des textes contemporains des princes dont les actions y sont racontées. Quant à la Grèce et aux fouilles qui s'y exécutaient, il ne semblait pas qu'il y eût rien de pareil à en attendre. Les premières trouvailles qui s'y étaient faites, depuis le rapt de lord Elgin jusqu'au déblaiement du mausolée d'Halicarnasse, avaient beaucoup ajouté à ce que l'on savait de l'art grec et de la variété infinie de ses types, des caractères qu'il a présentés dans les principales phases de son développement et de la marche qu'il a suivie depuis ses premiers essais jusqu'au moment où il atteignit la perfection. Les monumens qu'elles ont mis au jour auraient émerveillé Winckelmann, auquel il ne fut pas donné de connaître les types les plus nobles et les plus purs qu'ait créés la sculpture hellénique, dont il saluait le chef-d'œuvre dans l'Apollon du Belvédère; ils auraient beaucoup appris à Ottfried Müller lui-même, qui publia son Manuel de l'archéologie de l'art, ce livre qui rend encore aujourd'hui tant de services, soixante-six ans après qu'avait paru l'œuvre capitale dont les archéologues allemands se remémorent l'importance en célébrant, chaque année, le 9 décembre, la fête de Winckelmann (1). Cependant, si ces acquisitions nou

(1) Geschichte der Kunst des Alterthums, 1764.

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