siste dans la possession qu'un tiers vient exercer à ma place et en m'empêchant de continuer la mienne, possession qui peut durer des années, qui n'est d'ailleurs efficace que quand elle en dure au moins une, et qui est bien loin dès lors d'être un fait instantané et n'agissant que sur le passé. Mais ce mode se présente aussi dans l'interruption civile, notamment pour la demande en justice, laquelle a pour effet non pas seulement d'effacer la prescription qui a couru jusqu'à elle, mais aussi d'empêcher aucune prescription nouvelle de courir tant que durera l'instance, alors même qu'elle durerait trente et quarante années. C'est là surtout, on le conçoit, que cet effet persistant et durable de l'interruption est important à remarquer, comme il l'était à établir. Car à quoi servirait à un créancier ou propriétaire de venir interrompre par une assignation la prescription qui courait depuis quelque temps au profit de son débiteur ou du possesseur de son bien, si celui-ci recommençait, dès l'instant qui suit cette assignation, une prescription nouvelle qui pourrait être accomplie avant que le procès fût jugé? C'est précisément là cependant ce que n'a pas compris M. Mourlon; c'est précisément pour ce cas d'une instance judiciaire qu'il méconnaît explicitement l'effet persistant de l'interruption, après l'avoir déjà méconnu d'une manière absolue et pour tous les cas, mais implicitement seulement, au début de la matière. L'estimable répétiteur, en effet, commence par indiquer soigneusement comme différence caractéristique entre l'interruption et la suspension, que celle-ci agit sur l'avenir, tandis que l'autre agit sur le passé, en ajoutant « Elle efface le temps antérieur, MAIS ON COMMENCE A PRESCRIRE DE NOUVEAU », sans aucune explication ni restriction (p. 48); puis, arrivant plus loin au cas d'une citation en conciliation suivie dans le mois de la demande en justice, il explique, comme chose constante et toute simple (p. 53), cette colossale erreur, que la citation a effacé le temps antérieur à elle, que la demande efface à son tour celui qui a couru depuis la citation, et que LA PRESCRIPTION NOUVELLE DATE DE CETTE DEMANDE!... Si l'on trouvait ceci dans ces livres d'école que personne ne peut prendre au sérieux, on ne pourrait guère s'en étonner; mais dans celui de M. Mourlon, c'est quelque chose d'inexplicable. Le livre de M. Taulier, qui, s'il est bien supérieur à ceux de MM. Rogron et Boileux (ne fût-ce que comme œuvre littéraire), ne vaut certes pas pour les idées juridiques celui de M. Mourlon, a du moins compris et signalé celle-ci. Il a soin de dire que « la citation en justice interrompt évidemment la prescription PENDANT TOUT LE COURS DE L'INSTANCE (p. 463). Comment donc M. Mourlon n'a-t-il pas compris ce principe si important? SECTION PREMIÈRE. DES CAUSES QUI INTERROMPENT LA PRESCRIPTION. 2242. La prescription peut être interrompue ou naturellement ou civilement. 2243. Il y a interruption naturelle, lorsque le possesseur est privé, pendant plus d'un an, de la jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers. 2244. Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile. 2245. La citation en conciliation devant le bureau de paix, interrompt la prescription, du jour de sa date, lorsqu'elle est suivie d'une assignation en justice donnée dans les délais de droit. 2246.- La citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription. 2247. Si l'assignation est nulle par défaut de forme, Si le demandeur se désiste de sa demande, S'il laisse périmer l'instance, Ou şi sa demande est rejetée, L'interruption est regardée comme non avenue. 2248. La prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait. 1. II. SOMMAIRE. Interruption naturelle. Ses causes. Différences entre elle et l'interruption civile. Cinq causes d'interruption civile. La première est une demande en justice, laquelle interrompt la prescription pour toute la durée de l'instance: er : reur déjà indiquée de M. Mourlon. Mais l'interruption est non avenue s'il y a ensuite 1o désistement; 2o péremption de l'instance; 3° rejet de la demande. Développements et observations; idées inexactes de M. Troplong. III. L'assignation nulle produit l'interruption au cas d'incompétence et ne la produit pas au cas de vice de forme : critique de cette différence; réponse à M. Troplong. - Conséquences de la règle en ce qui touche le vice d'incompétence. IV. Deuxième cause: commandement. Son effet dure trente ans; mais il ne se produit que pour le passé et n'empêche pas, comme la demande en justice, une prescription nouvelle. V. VI. Troisième cause: saisie. Il s'agit de toutes les saisies: erreur de M. Duranton; erreur contraire d'un arrêt. La signification d'une cession de créance vaut saisie-arrêt, et produit dès lors interruption quand la créance était déjà frappée d'autres saisies. Quatrième cause: citation en conciliation. Pourquoi la citation est interruptive singulière explication de M. Troplong. Elle ne l'est qu'à la condition d'être suivie, dans le mois, d'une demande en justice qui soit et demeure efficace. Peu importe que cette demande n'arrive qu'après expiration du délai de la prescription. VII. La comparution volontaire produit le même effet que la citation: erreur de M. Duranton et d'un ancien arrêt. Le compromis est également interruptif; mais à la condition que l'instance arbitrale aura son cours. — - Les simples lettres d'invitation du juge de paix ne sont point interruptives. Secùs de la demande reconventionnelle formée au bureau de conciliation. VIII. La citation donnée dans une affaire où l'essai de conciliation n'est pas obligatoire, mais possible, interrompt la prescription. Quid lorsque la conciliation est légalement impossible? IX. L'assignation donnée sans préliminaire de conciliation quand celui-ci est exigé est néanmoins interruptive: réponse à la doctrine contraire d'un arrêt de cassation et de M. Troplong. - Doctrine exacte d'un autre arrêt de cassation plus récent. X. Cinquième cause : reconnaissance du droit. Elle peut être expresse ou tacite, et se prouve d'après les principes ordinaires, notamment par la délation du serment. Elle peut quelquefois interrompre la prescription pour l'avenir. I. 144. L'interruption de la prescription est tantôt naturelle et tantôt civile. L'interruption naturelle est celle qui résulte d'une cause physique et matérielle. Elle a lieu: 1° lorsqu'un possesseur est privé par un tiers, pendant plus d'une année, de la jouissance de la chose; 2o quand ce possesseur abdique sa possession, puisque par l'abdication (qui est, du reste, un fait assez rare) il devient complétement étranger à la chose; 3° quand le maître d'une servitude en voie de se prescrire par le non-usage se remet à exercer cette servitude; 4o quand la chose possédée et en voie de s'acquérir par prescription change de nature en devenant imprescriptible absolument et en ellemême (quand elle ne devient imprescriptible que temporairement et en considération de la personne du propriétaire, l'interruption n'a pas lieu, comme on l'a vu par l'art. 1561). 145. La première cause d'interruption naturelle (la seule qu'indique le texte de la loi, parce qu'elle est de beaucoup plus fréquente que les autres) n'a lieu que quand la possession du tiers a duré plus d'un an si le précédent possesseur était réintégré dans l'année, soit au moyen de l'action possessoire, soit par le délaissement volontaire de son adversaire, soit autrement, sa possession serait réputée n'avoir pas cessé et l'interruption ne se réaliserait pas. Il suffit, d'ailleurs, en cas d'action possessoire, que dans l'année cette action soit intentée, et peu importe le délai qui s'écoulera jusqu'au jugement qui la fait triompher, ce jugement ayant tout naturellement un effet rétroactif au jour de la demande. Il faut de plus que la privation de jouissance soit causée par un autre possesseur, que ce soit ou non le propriétaire, peu importe: il ne suffirait pas qu'elle résultât d'une force majeure, et, par exemple, d'une inondation. D'Argentré (Bretagne, art. 266) et Dunod (p. 54) admettaient l'interruption quand l'inondation durait une année, et la Cour de Grenoble avait proposé de consacrer cette opinion dans le Code (Fenet, III, p. 599); mais le législateur a rejeté cette idée et s'est tenu à la nécessité de la possession d'un tiers. C'est avec raison, puisque la possession se conserve solo animo, comme on l'a vu plus haut, tant qu'une autre personne ne vient pas réunir le fait et l'intention: l'inondation, puisqu'elle n'est pas une possession nouvelle, laisse donc subsister la possession ancienne. L'inondation ou autre cas de force majeure analogue pourrait, selon les cas, produire un vice de la possession, la rendre discontinue, non publique, ou tout au moins équivoque; mais elle ne peut pas la supprimer, l'anéantir rétroactivement, c'est-à-dire l'interrompre (1). L'interruption naturelle n'est possible que pour la prescription (1) Voy. Dict: not. (vo Prescr., nos 171 et suiv.). acquisitive et la prescription libératoire des servitudes; elle ne saurait se présenter dans la prescription libératoire des obligations, puisqu'elle consiste dans l'interruption ou dans la reprise de la possession matérielle, et que cette possession n'existe pas dans cette dernière prescription. L'interruption civile, au contraire, se présente aussi bien dans la prescription libératoire des obligations que dans les deux autres, et il est même telles causes d'interruption civile (le commandement et la saisie) qui seront très-rares pour la prescription acquisitive. L'interruption naturelle produit des effets absolus. L'interruption civile, au contraire, n'agit en principe que relativement, ne profitant qu'à celui qui la pratique et ne nuisant qu'à celui contre qui elle est dirigée; mais cette règle n'est pas sans exception, comme on le verra par les art. 2249 et 2250. II. 146. L'interruption civile résulte de cinq causes: 1o une demande en justice (art. 2244); 2° un commandement (ibid.); 3o une saisie (ibid.); 4° une citation en conciliation suivie de l'assignation dans le mois (art. 2245, et C. proc., art. 57); 5o enfin, la reconnaissance, par le possesseur ou débiteur, du droit du propriétaire ou créancier (art. 2248) (1). 147. Et d'abord une demande en justice. L'art. 2244 ne parle, il est vrai, que d'une citation en justice, ce qui pourrait faire croire que l'effet interruptif n'est attribué qu'à la demande formée par exploit introduit d'instance; mais la raison dit, et tout le monde le reconnaît aujourd'hui, que toute demande en justice, qu'elle soit formée par une citation ou autrement, interrompt la prescription. (1) La disposition de l'art. 51 de la loi du 18 juillet 1837, portant que la présentation d'un mémoire au préfet, préalablement à toute action contre une commune, interrompra la prescription, ne statue qu'en faveur du tiers qui a présenté le mémoire, et non en faveur de la commune; la prescription continue à courir contre celle-ci. Colmar, 18 janv. 1859 (Dev., 59, 2, 382; Dall., 59, 1, 362; J. Pal., 59,931). - Le mémoire qui doit être présenté au préfet, avant toute action contre l'État, n'interrompt la prescription qu'autant qu'il a été enregistré au secrétariat de la préfecture; il ne suffirait pas, s'il s'agit d'une commune, qu'elle eût remis dans les bureaux une délibération du conseil municipal contenant sa réclamation, si cette délibération n'a pas été enregistrée au secrétariat et si elle n'en produit pas le récépissé. Besançon, 6 janv. 1849 (Dev., 49, 2, 141; Dall., 49, 2, 105; J. Pal., 49, II, 224). |