Images de page
PDF
ePub

forte paffion, avec autant d'art que les fourbes des nations civilifées. Il y a parmi nous peu de métiers dont ils n'aient au moins des notions imparfaites.

Quoiqu'ils n'aient pas d'autres prin-' cipes que ceux de la nature, ils font livrés à mille fuperftitions; & dans leurs idées groffieres d'aftrologie; ils ne voient rien, ils n'imaginent rien à quoi ils n'attachent quelque liaison avec l'avenir. L'ufage de la circoncifion, qui eft affez commun parmi eux, doit faire conjecturer que des juifs ou des mahométans leur ont porté quelques préjugés de religion.

Les habitants de Madagascar ont des loix dont ils ignorent l'origine, mais qui s'obfervent par- tout avec beaucoup d'uniformité. On perce la main aux voleurs; on coupe la tête aux meurtriers. C'est le bohandrian, ou le grand de chaque province, qui juge avec quelques vieillards. Il ne prend rien pour le procès d'un criminel, & croit affez gagner en délivrant le pays d'un malfaiteur. Dans les caufes civiles, on lui amene un nombre d'animaux proportionné à l'importance des affaires.

Les vaffaux ne peuvent jamais fe difpenfer de fuivre leur chef à la guerre.

Ils fe battent bien tant qu'ils font animés par fon exemple, mais ils fuient lorfqu'ils le voient périr ou reculer. La cruauté eft le premier effet de la victoire. Le vainqueur extermine ordinairement la race de fon ennemi.

Les villages font toujours ouverts. On ne voit que quelques pieux autour des bourgs. Les villes, ordinairement compofées de mille cafes, font entourées d'un foffé profond de fix pieds, & d'une forte paliffade fur la crête intérieure. La maifon du feigneur s'éleve au deffus des autres, quoiqu'elle ne foit bâtie que de planches & couverte de feuilles, comme celle de fes derniers fujers.

L'ifle eft très-fertile. On y voit paître, dans des pâturages abondants, de nombreux troupeaux de boeufs de la plus grande efpece, & des bêtes à laine femblables en tout à celles de Barbarie. Elles different fur-tout des nôtres par la groffeur monftrueufe de leur queue, qui pefe quelquefois jufqu'à fept ou huit livres.

On ne cultive guere d'autre grain que le riz à Madagascar. Les infulaires le fement au commencement de la faifon des pluies, ce qui les dispense d'inonder leurs champs. Lorfque le

labour a été fait avec la pioche, cinq ou fix hommes fe rangent en ligne, & font devant eux de petits trous, dans lefquels des femmes ou des enfants qui fuivent jettent quelques grains de riz, qu'ils couvrent de terre avec le pied. La terre ainfi enfemencée, rapporte quatre-vingts ou cent pour un.

L'expérience a prouvé que le bled, comme le riz, pouvoit croître à Madagafcar. Les François le cultiverent autrefois à la pointe méridionale de l'ifle, où ils avoient bâti le fort Dauphin. On y trouve encore aujourd'hui de beaux épis de froment qui, retombant dans la terre quand il est mûr, se reproduit annuellement de lui-même, & croît confufément avec les herbes naturelles du pays.

Peut-être n'y a-t-il pas de contrée au monde où les fubfiftances foient à meilleur marché dans le temps de la récolte. Les habitants, qui ne pensent jamais à l'avenir, & qui ont des defirs très-impétueux, donnent alors avec joie, pour un morceau de toile bleue ou pour d'autres vils objets, une quantité de riz très - confidérable. Après cette diffipation de leurs moiffons, ils n'ont plus rien à livrer, fouvent même il ne leur refte pas de quoi vivre. On

les voit dans plufieurs provinces chercher la moitié de l'année leur nourriture au milieu des bois.

[ocr errors]

La liqueur chérie de ces fauvages eft une espece d'hydromel, compofé d'eau & de miel qu'on fait bouillir enfemble. On fait auffi du vin de fucre & de bananes. Le premier est très-fpiritueux, mais le fecond n'a que de l'agrément fans force.

Les infulaires font des pagnes, des tapis de coton, qu'ils teignent de plufieurs couleurs. Ils n'ont pas des métiers dreffés; mais étendant leurs filets à terre, ils y paffent d'autres filets, par le moyen de petits bâtons qu'ils levent & qu'ils baiffent fucceffivement. Leur habit le plus fomptueux eft un pagne fur les épaules, & un autre au milieu du corps. Les gens du commun ne portent ordinairement qu'une ceinture qui couvre affez mal ce que la pudeur défend de montrer.

Madagascar avoit été vifité par les Portugais, les Hollandois & les Anglois, qui, n'y trouvant aucun des objets qui les attiroient dans l'orient l'avoient dédaigné. Les François, qui ne paroiffoient pas avoir de but bien arrêté, employerent à le conquérir les fonds qu'ils avoient faits pour étendre

leur commerce. Quelque or qu'ils trouverent répandu dans un coin de l'ifle, leur fit préfumer qu'il devoit y avoir des mines. La diminution fenfible de ce métal, à mefure qu'ils en tiroient de foibles parties, auroit dû au moins leur faire foupçonner, ce qui étoit vrai, qu'il avoit pu y être porté par les Arabes de Zanguebar. Leur avidité écarta de leur efprit une obfervation fi fimple, & ils furent punis de leur aveuglement par la perte entiere de leurs capitaux. A l'expiration de leur octroi, il ne leur reftoit que quelques habitations, fituées en cinq ou fix endroits de la côte, conftruites de planches, couvertes de feuilles, entourées de pieux, & honorées du nom impofant de forts, parce qu'elles avoient quelques mauvais canons. Leurs défenfeurs étoient réduits à une centaine de brigands, qui, par leurs cruautés, ajoutoient tous les jours à la haine qu'on avoit conçue contre leur nation. Quelques petits diftricts abandonnés par les naturels du pays, quelques cantons plus étendus, d'où la force arrachoit un tribut en denrées, formoient toutes leurs conquêtes.

Le maréchal de la Meilleraie s'em

« PrécédentContinuer »