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des mers de l'Inde, il y auroit ruine les établiffements Anglois.

Le miniftere approuva ce plan. On accorda à Labourdonais cinq vaiffeaux de guerre, & il mit à la voile.

A peine étoit-il parti, que les directeurs également bleffés du myftere qu'on leur avoit fait de la deftination de l'efcadre, de la dépenfe où elles les engageoit, des avantages qu'elle devoit procurer à un homme qu'ils ne trouvoient pas affez dépendant, renouvellerent les cris qu'ils avoient déjà pouffés fur l'inutilité de cet armement. Ils étoient ou paroiffoient fi perfuadés de la neutralité qui s'obferveroit dans l'Inde entre les deux compagnies, qu'ils en convainquirent le miniftre dont la foibleffe n'étoit plus encouragée, ni l'inexpérience éclairée depuis l'éloignement de Labourdonais. L'efcadre fut rappellée. Les hoftilités commencerent, & la prife de prefque tous les vaiffeaux François qui naviguoient dans l'Inde fit voit trop tard quelle avoit été la politique la plus judicieufe.

Labourdonais fut touché des inepties qui caufoient le malheur de l'état, comme s'il les eût faites lui-même & il ne fongea qu'à les réparer. A

force de foins, de conftances, de reffources de toute efpece, dont perfonne ne s'étoit avifé, fans magasins, fans apprêts, fans équipages, ni officiers de bonne volonté, il parvint à former une efcadre compofée d'un vaiffeau de foixante canons, & de cinq navires marchands armés en guerre il ofa attaquer l'efcadre Angloife, il la battit, la pourfuivit, la força à quitter la côte de Coromandel, & alla affiéger & prendre Madraff, cette premiere ville des colonies Angloifes. Le vainqueur fe difpofoit à de nouvelles expéditions. Elles étoient fûres & faciles; mais il fe vit contrarié avec un acharnement qui coûta neuf millions cinquante-fept mille livres, ftipulées pour le rachat de la ville conquife, & les fuccès qui devoient fuivre cet évé

nement.

La compagnie étoit alors gouvernée par deux commiffaires du roi, brouillés irréconciliablement. Les directeurs, les fubalternes avoient pris parti dans cette querelle fuivant leurs inclinations ou leurs intérêts. Les deux factions étoient extrêmement aigries l'une contre l'autre. Celle qui avoit fait ôter à Labourdonais fon efcadre, ne voyoit pas fans chagrin qu'il eût trouvé des reffources

dans fon génie pour rendre inutiles les coups qu'on lui avoit portés. On a des raifons pour croire qu'elle le poursuivit dans l'Inde, & qu'elle verfa le poison de la jaloufie dans l'ame de Dupleix. Deux hommes faits pour s'eftimer, pour s'aimer, pour illuftrer le nom François, pour aller peut-être enfemble à la poftérité, devinrent les inftruments des paffions de gens qui ne les valoient pas. Dupleix traverfa Labourdonais, & lui fit perdre un temps précieux. Après avoir resté trop tard fur la côte de Coromandel à attendre les fecours qu'on avoit différés fans néceffité, un coup de vent ruina fon efcadre. La divifion fe mit dans fes équipages. Tous ces malheurs caufés par les intrigues de Dupleix, forcerent Labourdonais à repaffer en Europe, où un cachot affreux fut la récompenfe de fes glorieux travaux & le tombeau des espérances que la nation avoit fondées fur fes grands talents. Les Anglois, délivrés dans l'Inde de cet ennemi redoutable, & fortifiés par des fecours confidérables, fe virent en état d'attaquer à leur tour les François. Ils mirent le fiege devant Pondichery.

Dupleix fut réparer alors les torts qu'il avoit eus. Il défendit fa place

avec beaucoup de vigueur & d'intelligence, & après quarante-deux jours de tranchée ouverte, les Anglois furent obligés de fe retirer. Bientôt la nouvelle de la paix arriva, & les hoftilités cefferent entre les compagnies des deux

nations.

La prife de Madraff, le combat naval de Labourdonais, & la levée du fiege de Pondichery, donnerent aux nations de l'Inde un refpect pour les François tout-à-fait nouveau. Ils furent pour les Indiens la premiere des nacions de l'Europe, la puiffance principale.

Dupleix voulut faire ufage de cette difpofition des efprits. Il s'occupa du foin de procurer à fa nation des avantages folides & confidérables. Pour juger fainement de fes projets, il faut avoir fous les yeux un tableau de la fituation où étoit alors l'Indoftan..

Cette belle & riche contrée tenta, fi l'on veut s'en rapporter à des tra ditions incertaines, les conquérants des temps les plus reculés. Bachus, Sémiramis, Séfoftris, Darius, la traverserent comme des torrents, & laifferent par-tout de funeftes traces de leur paffage.

Alexandre, à qui il falloit des mondes

à conquérir, fuivit leurs traces fans imiter leur conduite. Il montra un fi grand refpect pour les loix, les coutumes & la religion du pays que fon nom eft encore en vénération dans l'Inde. Son invafion rapide y fut même regardée comme un bien, parce qu'elle donna naiffance au riche commerce que les Macédoniens, les Grecs & les Syriens y firent dans la fuite.

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Depuis cette époque célebre les Indiens vécurent tranquilles, & ne furent pas du moins troublés par des étrangers jufqu'au commencement du treizieme fiecle. Alors Gengiskan qui, à la tête des hordes des Tartares qu'il avoir fu réunir fous fes drapeaux, avoit fubjugué la plus grande partie de l'Afie, porta fes armes victorieufes fur les rives occidentales de l'Indus. On ignore également quelle part ce conquérant & fes defcendants prirent aux affaires de l'Indoftan. Il est vraifemblable qu'elles les occuperent peu, puifqu'on voit peu de temps après les Patanes régner dans le nord de ce beau

pays.

On croit communément, fur la foi douteufe de quelques étimologies que ces nouveaux ennemis defcendoient

d'une

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