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ciput, et comme il permettait de déroger tacitement à la loi qui obligeait au rapport les enfans donataires, on en concluait que le rapport ne devait pas avoir lieu en ce cas. La loi 18, C. familia erciscundæ, le déclarait expressément.

Mais, comme le Code civil ne reconnaît pas de dérogation tacite à la loi qui oblige au rapport, et qu'au contraire, suivant l'art. 843, la dispense du rapport doit être toujours formellement prononcée par le donateur, on ne peut plus aujourd'hui considérer comme une donation non rapportable, l'acquisition faite par le père au nom de son fils.

Si le père a payé de ses propres deniers, c'est un prêt qu'il a fait, et le fils en doit le rapport à ses cohéritiers.

On avait même assez généralement admis sous l'empire des anciennes lois, que ce n'était pas le prix de l'acquisition, mais l'hėritage mème, qui devait être rapporté, et l'on s'était fondé, à cet égard, sur la loi 30, § 2, C. de inofficioso testamento, qui décide que le légitimaire, au nom duquel le défunt a acheté un office, ne doit pas imputer précisément la somme payée pour l'acquisition, mais la valeur de l'office même au temps de l'ouverture de la succession.

Dans plusieurs coutumes, les biens acquis par le père au nom de son enfant formaient des propres dans la personne de cet enfant; le père en était donc réputé acquéreur, et l'on regardait la déclaration faite en faveur de l'enfant comme une donation indirecte. Suivant l'art. 482 de la coutume de Normandie, de l'art. 101 des placités de 1666, l'héritage retiré ou acquis par père, mère ou autre ascendant, au nom de l'un de ses enfans, devait être remis en partage, si l'enfant n'avait d'ailleurs, lors de l'acquisition, des biens suffisans pour en acquitter le prix.

Il faudrait également décider, sous l'empire du Code civil, que, si un père achète un héritage au nom de l'un de ses enfans, et qu'au moment de l'acquisition cet enfant n'ait ni biens acquis, ni état ou profession, et qu'il soit d'ailleurs notoirement hors d'état d'acquitter le prix, c'est une donation indirecte que le père a voulu lui faire; il y a donc lieu, dans ce cas, au rapport de l'héritage, et non pas seulement du prix de l'acquisition.

Si le père avait acheté au nom de l'un de ses enfaus, sans avoir de lui un pouvoir exprès et valable, comme les cohéritiers de cet enfant ne pourraient l'obliger à prendre pour son compte l'acquisition, de même il ne pourrait contraindre ses cohéritiers à lui délaisser l'héritage.

Mais si l'enfant avait ratifié l'acquisition faite, en son nom, par son père, il devrait être considéré comme le véritable acquéreur, puisqu'aucune loi ne s'oppose à ce qu'un père soit le mandataire de son enfant. Tel est l'avis de Pothier, traité des Propres, sect. I, art. III, § I.

Et cependant, même encore dans ce cas, si au moment de l'acquisition l'enfant n'avait ni biens personnels, ni moyens pour acheter, et si d'ailleurs l'acquisition faite par le père était avantageuse, on pourrait aisément présumer que c'est un avantage indirect que le père a voulu faire à l'enfant, et notamment si le père ayait payé des sommes dont ensuite il aurait donné quittance à cet enfant.

Il est très-rare que les acquisitions faites par les pères au profit de leurs enfans ne contiennent pas quelques avantages indirects; il faut donc toujours les examiner avec soin.

25. Il y a, sur les dons et sur les prêts, des règles différentes, soit à l'égard du successible qui renonce à la succession du donateur ou du prêteur, soit à l'égard du successible qui accepte la suc

cession.

1o Le donataire qui est habile à succéder au donateur n'est pas tenu de rapporter le don s'il renonce à l'hérédité ; mais l'emprunteur qui est en même temps successible ne peut, soit qu'il accepte la succession, soit qu'il y renonce, se dispenser de restituer les sommes qu'il devait au défunt. L'art. 843 du Code n'autorise le successible qui renonce à la succession qu'à retenir les dons, mais non pas les sommes empruntées du défunt.

Il est évident, en effet, que celui qui n'a fait que prêter a voulu que la chose fût rendue, et qu'au contraire celui qui a donné a voulu gratifier.

Si la loi oblige le donataire à rapporter le don lorsqu'il accepte la succession, c'est pour rétablir l'égalité entre les héritiers; mais

le donataire n'est plus tenu de contribuer à cette égalité, lorsqu'il renonce à la succession; il devient donataire étranger, et peut conséquemment garder ce qu'il tient de la libéralité du défunt; au lieu que l'emprunteur qui renonce à l'hérédité ne peut jamais prétendre à garder comme libéralité ce qu'il n'a reçu qu'à titre de prêt.

Dans ce dernier cas, ce n'est point un rapport qu'il fait, puisqu'on ne rapporte à une succession que lorsqu'on est héritier; mais il restitue, comme devrait le faire toute autre personne; il acquitte une dette dont il ne peut être dispensé par aucun motif.

2o On verra, sur l'art. 857, que le rapport des dons n'est du que par le cohéritier à son cohéritier, qu'il n'est dû ni aux légataires, ni aux créanciers de la succession; mais le rapport des sommes prêtées par le défunt est dû aux légataires et aux créanciers, comme aux cohéritiers.

ARTICLE 844.

Dans le cas même où les dons et legs auraient été faits par préciput ou avec dispense du rapport, l'héritier venant à partage ne peut les retenir que jusqu'à concurrence de la quotité disponible: l'excédant est sujet à rapport.

SOMMAIRE.

1. Quotité disponible: droit ancien.

2. Fixation de la portion disponible d'après le Code civil. Trois cas à distinguer.

3. C'est au moment du décès que se détermine la quotité disponible.

1. Il y eut, dans toutes les législations, une certaine portion de biens dont il n'était pas permis de disposer à titre gratuit, au préjudice de ses descendans. Cette portion réservée s'appelait légitime.

Suivant le droit du Digeste et du Code, la légitime des enfans ne s'élevait qu'au quart des biens.

Elle fut portée, par la dix-huitième Novelle, au tiers des biens, s'il y avait quatre enfans, ou moins, et à la moitié, s'il y avait cinq enfans, ou plus.

En France, dans les pays de droit écrit, on se conformait, pour la légitime; à la fixation faite par la Novelle.

Plusieurs coutumes en avaient diversement réglé la quotité : celle de Paris l'avait fixée à la moitié de la portion que l'enfant aurait eue, s'il n'avait pas été fait de disposition; et dans les coutumes qui ne l'avaient pas expressément réglée, l'usage et la jurisprudence y avaient admis les règles du droit romain, ou celles de la coutume de Paris.

Les Romains avaient aussi accordé une légitime aux ascendans; mais cette légitime n'était due qu'aux ascendans les plus proches du défunt.

Elle fut portée au tiers des biens, par la Novelle 18, chap. 1, et par la Novelle 89, chap. 12, § 3.

Un très-petit nombre de nos coutumes avaient accordé cet avantage aux ascendans. Dans les autres, ils en étaient exclus par la jurisprudence.

Suivant les lois romaines, les parens collatéraux du défunt n'avaient aucun droit de légitime: seulement les frères et sœurs, germains ou consanguins, avaient la plainte d'inofficiosité contre le testament, si l'institué était une personne infâme.

Il en était de même dans un grand nombre de coutumes.

2. Le Code civil accorde une légitime aux descendans et aux ascendans, et la refuse à tous les parens en ligne collatérale, même aux frères et sœurs.

Il appelle portion non disponible, ou réserve, la portion de biens dont il ne permet pas de disposer à titre gratuit, au préjudice des descendans ou des ascendans.

Il appelle portion, ou quotité disponible, celle dont il permet la libre disposition en faveur de toutes personnes.

Pour régler la portion disponible, il distingue trois cas: 1o celui où le défunt a laissé des descendans légitimes; 2o celui où il n'a pas laissé de descendans, mais seulement des ascendans; 3° celui où il n'a laissé ni descendans, ni ascendans, mais seulement des parens collatéraux.

Au premier cas, la portion disponible est de la moitié des biens, si le défunt ne laisse qu'un seul enfant légitime; du tiers, s'il laisse

TOM. II.

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deux enfans; et du quart, s'il en laisse trois, ou un plus grand nombre (art. 913). Les descendans, en quelque degré qu'ils se trouvent, sont comptés pour l'enfant qu'ils représentent dans la 'succession du disposant (art. 914).

Au second cas, la portion disponible est de la moitié des biens, si le défunt laisse des ascendans dans les deux lignes; et des trois quarts, s'il ne laisse d'ascendans que dans une ligne (art. 915).

Au troisième cas, la portion disponible embrasse indistinctement la totalité des biens, quelles qu'en soient la nature et l'origine (art. 916).

3. La portion disponible se détermine, en réunissant fictivement dans une masse tous les biens que le défunt a laissés sans disposition, et tous ceux dont il a disposé gratuitement.

Mais il est sensible que cette détermination ne peut se faire pendant la vie du disposant. Ce n'est qu'à l'époque de son décès que peuvent être connus et fixés, d'une manière positive, le nombre et la qualité de ses héritiers, et la vraie consistance de sa fortune, qui forment les élémens du calcul pour la fixation de sa portion disponible.

Cependant cette incertitude ne devait pas le priver du droit de disposer, et il peut même étendre ses dispositions aussi loin qu'il lui plait, puisqu'il est possible qu'il ne laisse, en mourant, aucun héritier ayant droit à la réserve; s'il en laisse, on rectifie, à l'époque de sa mort, l'excès qui peut se trouver dans les dispositions qu'il a faites, en les restreignant dans les limites de son pouvoir, en les réduisant conformément à la loi.

Ainsi, lorsqu'il a disposé, même à titre de préciput, d'une quotité plus forte que celle qui se trouve, au moment de son décès, former sa portion disponible, la disposition ne vaut que jusqu'à concurrence de cette portion; et, dans tous les cas, l'excédant est sujet à rapport, ou ne peut être réclamé.

ARTICLE 845.

L'héritier qui renonce à la succession peut cependant retenir le don entre-vifs, ou réclamer le legs à lui fait, jusqu'à concurrence de la portion disponible.

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