En conséquence, le Code a ordonné, par l'article 461, que le tuteur ne pourrait, sans une autorisation préalable du conseil de famille, ni accepter, ni répudier une succession échue à son mineur. On doit présumer que le conseil de famille, qui est composé de parens ou d'amis du mineur, ne se déterminera pour l'un ou l'autre parti qu'après de mûres réflexions; et sa délibération, sous la présidence d'un juge de paix, offre sans doute plus de garantie pour les intérêts du mineur, que la volonté isolée d'un tuteur. Le Code a ordonné, en outre, par le même article, que le tuteur ne pourrait accepter que sous bénéfice d'inventaire, afin que les intérêts du mineur ne fussent pas compromis par les suites d'une acceptation pure et simple qui l'aurait obligé au paiement de toutes les dettes, même ultra vires. La disposition de l'art. 461 est en termes prohibitifs; il ne peut donc être permis de l'éluder, sous aucun rapport. Ainsi, d'une part, le tuteur ne pourrait, sans une autorisation expresse et légale du conseil de famille, accepter, même sous bénéfice d'inventaire, la succession échue au mineur; et, d'autre part, il ne pourrait accepter purement et simplement, lors même qu'il y serait formellement autorisé par le conseil de famille (1). 8. A l'égard du mineur émancipé, comme il ne peut, suivant l'art. 484, vendre ni aliéner ses immeubles, ni faire aucun acte autre que ceux de pure administration, sans observer les formalités prescrites au mineur non émancipé, il s'ensuit qu'il ne peut seul accepter une succession qui lui est échue; car l'acceptation d'une succession n'est pas un simple acte d'administration, puisqu'il en résulte des engagemens qui peuvent même aller jusqu'à l'aliénation des immeubles. Obligé, dans ce cas, d'observer les formalités prescrites au mineur non émancipé, il ne peut, d'après l'art. 461 qui lui est applicable, accepter qu'avec l'autorisation du conseil de famille, et il (1) Si cependant le mineur divertissait ou recelait des effets de la succession et qu'il fût d'âge raisonnable, comme il n'est pas restituable contre les obligations qui résultent de son délit, il serait héritier pur et simple (art. 1310 et 792). ne peut, même avec cette autorisation, accepter que sous bénéfice d'inventaire (1). 9. Les successions échues aux personnes qui sont interdites par la justice, pour cause d'imbécillité, de démence ou de fureur, ne peuvent être acceptées que de la même manière que celles échues à des mineurs en tutelle. Suivant l'art. 509, l'interdit est assimilé au mineur, pour sa personne et pour ses biens; les lois sur la tutelle des mineurs s'appliquent à la tutelle des interdits. 10. Comment doivent être acceptées les successions échues à des prodigues ou autres individus qui ont été pourvus de conseils judiciaires? Suivant l'art. 499, un tribunal peut, si les circonstances l'exigent, ordonner, en rejetant une demande en interdiction, que la personne qu'on voulait faire interdire ne pourra désormais plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, ni en donner décharge, aliéner ni grever ses biens d'hypothèque, sans l'assistance d'un conseil qui lui sera nommé par le même jugement. Suivant l'art. 513, les tribunaux peuvent également interdire aux prodigues de faire les mêmes actes, sans l'assistance d'un conseil qui leur est nommé. Il résulte nécessairement de ces articles, qu'aucun individu, qui a été pourvu d'un conseil judiciaire, ne peut, sans l'assistance de ce conseil, accepter une succession, pas plus qu'il ne pourrait la répudier, puisqu'en l'un et l'autre cas il ferait acte d'aliénation. Mais il n'est pas nécessaire qu'il y ait une autorisation préalable du conseil de famille; la loi ne l'exige pas. Il suffit que l'acte d'acceptation ou de renonciation soit fait par l'héritier lui-même assisté de son conseil, parce qu'on doit présumer que le conseil qui a été choisi par la justice, ne consentira à assister que pour les actes qu'il jugera être favorables à l'individu dont il est chargé de surveiller la fortune. Il n'est pas, non plus, exigé que les individus qui ont été pourvus de conseils judiciaires, n'acceptent que sous bénéfice d'inven (1) Tout ceci s'applique même à une succession purement mobilière, car l'acceptation d'une succession n'est pas un acte de simple administration. taire les successions qui leur sont échues. Ils peuvent, avec l'assistance de leurs conseils, prendre tous les renseignemens nécessaires pour bien connaître la valeur de ces successions. 11. La disposition de l'art. 776 et toutes les règles qui en découlent, sont évidemment applicables aux successions testamentaires ou contractuelles, commé aux successions ab intestat. A l'égard des unes, comme à l'égard des autres, il y a les mêmes motifs pour que les mêmes précautions soient prises dans les intérêts des femmes mariées, des mineurs, des interdits et des personnes pourvues de conseils judiciaires. ARTICLE 777. L'effet de l'acceptation remonte au jour de l'ouverture de la succession. 1. Sens de l'art. 777. SOMMAIRE. 2. On ne peut être héritier pour un temps et ne pas l'être pour 1. On à vu que l'héritier appelé par la loi est saisi de tous les biens de la succession; qu'il en est saisi de plein droit et par la seule force de la loi, quoiqu'il n'ait pas manifesté sa volonté, et lors même qu'il aurait ignoré l'ouverture de la succession; qu'enfin il est saisi à compter de l'instant même du décès de la personne à laquelle il est appelé à succéder ; Qu'ainsi, à compter de cet instant, et quelle que soit l'époque postérieure à laquelle il accepte, il a la qualité d'héritier, puisqu'il tient de la loi même cette qualité, et qu'il ne la perd que par une renonciation expresse, aux termes de l'art. 784 du Code civil ; Que l'acceptation qu'il fait de la succession ne lui confère done aucun droit nouveau; qu'elle n'ajoute aucun droit réel à celui qu'il avait antérieurement, par la seule disposition de la loi; et qu'elle n'est autre chose qu'une simple déclaration de sa volonté d'exercer le droit qui lui était acquis. C'est dans ce sens qu'il a été dit que l'effet de l'acceptation remonte au jour de l'ouverture de la succession; c'est-à-dire, que l'héritier appelé par la loi est héritier, à compter du jour où la succession s'est ouverte, quel que soit l'intervalle de temps qui s'est écoulé jusqu'à son acceptation, et ne peut pas être seulement considéré comme n'étant héritier qu'à compter du moment où il a accepté. C'est donc absolument la même chose, en résultat, que si l'héritier présomptif avait accepté au moment même où la succession s'est ouverte, et c'est ainsi qu'en réalité l'acceptation produit son effet à compter de l'ouverture de la succession (1). 2. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait que l'on pût être héritier pour un temps et ne l'être pas pour l'autre; mais la qualité d'héritier est indivisible: la maxime, qui semel heres, semper heres, s'applique aux temps antérieurs à l'acceptation comme aux temps postérieurs; c'est toujours à compter de l'ouverture de la succession que sont irrévocablement fixés les qualités et les droits des héritiers; on ne pourrait donc pas se porter héritier, uniquement à compter du moment où l'on accepte: on l'est toujours, et nécessairement, à compter de l'ouverture de la succession, lorsqu'on accepte, parce qu'on ne peut l'être qu'en vertu de la qualité qui en a été conférée par la loi, et que cette qualité a été conférée à l'instant même où la succession s'est ouverte. Telle était aussi la disposition du droit romain. Heres quandoque adeundo hereditatem jam tunc a morte successisse defuncto intelligitur. L. 54, ff. de acq. vel omitt. hered. D'ailleurs, l'héritier est le représentant du défunt; il prend entièrement sa place; il est même considéré comme n'étant que la continuation de la personne du défunt, cujus vicem sustinet; il ne peut donc être héritier pour un temps et ne l'être pas pour l'autre, comme il ne peut l'être pour une partie seulement de la succession et non pour la totalité. 3. La règle qui fait remonter au moment de l'ouverture de la (1) Lorsqu'il n'y a pas saisine, la disposition de l'article 777 reçoit en plein son application. Dans le cas contraire, si on prenait cet article à la lettre, ce serait contrevenir aux principes et le mettre en contradiction avec l'art. 785. Ce serait feindre les deux opposés, tandis que l'un existe réellement. succession l'acceptation qui a été faite par l'héritier, à quelque époque que cette acceptation ait eu lieu, produit plusieurs effets. 1° L'héritier profite de tous les bénéfices survenus avant son acceptation, comme il est tenu de supporter toutes les pertes. Ainsi, tous les fruits et les revenus des biens de la succession qui sont échus depuis le moment où la succession s'est ouverte, appartiennent à l'héritier, comme s'il avait accepté immédiatement : Fructus omnes augent hereditatem, sive ante aditam, sive post aditam hereditatem, accesserint. L. 20, § 3, ff, de hered. petitione. Mais il est tenu de rembourser tout ce qui a été valablement payé, soit pour la conservation des biens, soit pour l'acquit des dettes et charges : il est pareillement tenu de tout ce qui peut encore rester dû. En un mot, il prend la succession tout entière, telle qu'elle était au moment où elle s'est ouverte. Néanmoins il ne pourrait réclamer contre le possesseur de bonne foi, la restitution des revenus (art. 138 et 549). 2o Il profite des renonciations qui ont pu être faites par ses cohéritiers, dans l'intervalle de temps qui s'est écoulé depuis l'ouverture de la succession jusqu'à son acceptation. Suivant l'art. 785, l'héritier qui renonce est censé n'avoir jamais été héritier, et, suivant l'art. 786, sa part accroît à ses cohéritiers. 3o Lors même qu'il n'est appelé à la succession qu'à la place. d'un héritier plus proche qui a renoncé, l'effet de son acceptation remonte toujours à l'époque de l'ouverture de la succession: il est considéré comme ayant été héritier de cette époque, puisque l'héritier plus proche qui a renoncé, est censé n'avoir jamais été héritier; et conséquemment la succession lui appartient à compter de l'ouverture, et non pas seulement à compter de l'acceptation. 4o Il profite des prescriptions qui ont couru, ou même qui se sont accomplies, au profit de la succession, dans l'intervalle entre l'ouverture et l'acceptation; et de même il est tenu de supporter les prescriptions qui, dans le même intervalle, ont couru ou se sont accomplies contre la succession. 5° Suivant l'article 883, il est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot, ou à lui échus |