ne peut être étendue à des fruits et à des intérêts qui sont l'unique objet de la donation, et qu'ainsi ces fruits et intérêts sont soumis à la règle générale établie par l'art. 843. Mais, il faut remarquer d'abord que la loi in ædibus n'était pas suivie dans les pays coutumiers, et pas même dans les coutumes dites d'égalité parfaite; c'est ce qu'attestent notamment Basnage sur l'art. 334 de la coutume de Normandie, Duparc-Poullain, Principes de Droit, tome IV, et Ferrière sur l'art. 309 de la coutume de Paris. L'art. 95 des placités de Normandie disait même expressément que la pension ou jouissance donnée par le père ou autre ascendant ne devait pas être mise en partage. Les raisons que donnaient à cet égard les auteurs, c'est que les dons de jouissances, de rentes ou de pensions, étaient présumés faits pour alimens, comme les dons de choses qui produisaient des fruits ou des intérêts; c'est qu'à l'égard des uns, comme à l'égard des autres, les donataires auraient éprouvé un préjudice notable des donations mêmes qui leur auraient été faites, s'ils avaient été tenus de rapporter les fruits, intérêts, jouissances ou pensions, qu'ils auraient reçus et consommés de bonne foi. Or, c'est aussi par ces mêmes motifs qu'a été faite la disposition de l'art. 856, pour les fruits et les intérêts des choses données; elle est donc évidemment applicable aux simples dons de jouissances, de rentes ou de pensions; et, dans tous les cas, ces dons se trouveraient encore exemptés du rapport, par la disposition de l'art. 852, puisqu'ils doivent être toujours présumés faits pour tenir lieu d'alimens, de même que ceux qui sont particulièrement énoncés dans l'art. 856. Et d'ailleurs les résultats de l'opinion contraire seraient absolument intolérables. Ne serait-il pas en effet bizarre que, si l'héritier avait reçu un don en immeubles produisant un revenu annuel de 2,000 fr., il ne fût pas tenu de rapporter les revenus qu'il aurait perçus jusqu'à la mort du donateur, et que cependant, s'il n'avait reçu qu'une rente ou une pension annuelle de 1,500 fr., il fût obligé de rapporter tout ce qu'il aurait reçu, quoiqu'il eût moins reçu dans ce dernier cas qu'il n'aurait eu dans le premier? Ne serait-il pas souverainement injuste, et même évidemment contraire, soit à la volonté du donateur, soit à l'intention du législateur, que, si un père avait donné à l'un de ses enfans un immeuble produisant 2,000 francs de revenu, et à l'autre la simple jouissance d'un autre immeuble produisant un revenu égal, ou bien une pension d'égale valeur, le premier conservât toutes les jouissances échues jusqu'à la mort du père, et que le second fût obligé de tout rapporter? La loi n'a admis le rapport que pour rétablir l'égalité entre les héritiers, et cependant le rapport serait ordonné, dans l'espèce, précisément pour rompre entre les deux enfans l'égalité que le père avait voulu établir! On ne peut ainsi mettre la loi en contradiction avec elle-même. Il arrive souvent qu'un père, en mariant sa fille, et voulant lui assurer les moyens de contribuer, pour sa part, aux frais du ménage, préfère de lui donner une pension annuelle ou de simples jouissances, plutôt que de lui donner un immeuble qu'elle pourrait vendre et dont elle pourrait dissiper le prix; mais ce moyen ne serait plus praticable, si en définitif le don devait se trouver annulé, de manière que la fille fût tenue de rapporter, lors du décès de son père, tout ce qu'elle aurait reçu; car ce n'est pas ainsi qu'un père l'entend, lorsqu'il assure des alimens à sa fille; il veut les donner, et non pas en faire une avance sujette à restitution. Dira-t-on que, dans ce cas, le père peut prononcer la dispense du rapport? Mais d'abord pourquoi la dispense du rapport ne serait-elle pas de droit pour les jouissances qui sont l'objet direct d'une donation, comme pour les jouissances d'un immeuble qui est donné? Puisque les unes et les autres sont également présumées données pour alimens, elles doivent jouir de la même faveur et des mêmes avantages. En second lieu, lorsqu'un père aurait déjà donné à l'un de ses enfans la totalité de sa portion disponible, ne lui contesterait-on pas le droit de donner ensuite à un autre enfant, avec dispense de rapport, des jouissances ou une pension annuelle? Ne dirait-on pas, en principe, que, puisqu'il a déjà épuisé toute sa portion disponible, il ne peut plus rien donner avec dispense de rapport? Le second enfant donataire serait donc obligé de rapporter, malgré la dispense que le père aurait prononcée, et ainsi tel serait le résultat déplorable de la manière dont on veut restreindre l'application de l'art. 856, qu'un père qui aurait donné à l'un ou plusieurs de ses enfans sa portion disponible, ne pourrait plus donner aux autres, même de simples jouissances pendant sa vie. Il y aurait cependant exception pour le cas où il donnerait un immeuble qui serait rapportable; il pourrait encore, par ce moyen, donner les jouissances de cet immeuble, même sans prononcer la dispense du rapport; mais s'il ne prenait pas cette tournure, s'il donnait directement les jouissances de ce même immeuble, le rapport devrait nécessairement avoir lieu, quoiqu'il en eût formellement prononcé la dispense. Tout cela est trop déraisonnable, trop bizarre, trop injuste pour qu'il ne soit pas inutile de s'y arrêter plus long-temps. Le véritable esprit de l'art. 856 et la lettre de l'art. 852 répondent à tout. Voudrait-on encore rappeler ici la distinction entre ce qui a été reçu pendant la vie du donateur et ce qui reste à recevoir ? Déjà il a été établi, dans le no 3, que cette distinction n'a pas été admise par le Code civil, et il n'y a pas plus de raison pour que l'héritier, donataire d'un immeuble, puisse réclamer les jouissances qui étaient échues avant la mort du donateur, et qu'il n'avait pas encore perçues, qu'il n'y en a pour que l'héritier, donataire de'simples jouissances ou d'une pension annuelle, puisse également réclamer ce qui a été échu et non payé. On ne saurait trop le répéter, l'égalité, qui est le vœu particulier de la loi dans cette matière, exige que l'un et l'autre des donataires aient, dans l'espèce, un droit égal sur ce qui n'est pas perçu ou payé. Enfin, dira-t-on qu'au moins, si les jouissances ou la pension annuelle, qui ont été données, s'élèvent au-delà de ce qui était convenablement nécessaire pour la nourriture et l'entretien du donataire, elles doivent être réduites, parce qu'elles sont évidemment des avantages indirects, et qui pourraient même aller jusqu'à absorber la réserve des autres héritiers? Cette objection est la seule qui peut avoir quelque fondement, mais non dans tous les cas, et il faut en conséquence les distinguer. 1° Si un père avait donné à l'un de ses enfans des immeubles considérables, mais sans dispense de rapport, l'enfant donataire n'en conserverait pas moins tous les revenus que ces immeubles auraient produits et qu'il aurait perçus jusqu'à la mort du père, quoique ces revenus se soient élevés bien au-delà de ce qui lui était convenablement nécessaire pour sa nourriture et pour son entretien. L'art. 856 ne contient à cet égard aucune restriction; il n'ordonne de réduction dans aucun cas; il dit généralement, et sans aucune exception, que les fruits des choses sujettes à rapport ne sont dus qu'à compter du jour de l'ouverture de la succession. La raison est que tout individu est toujours entièrement le maître de ses revenus; qu'il peut les employer comme il lui convient; qu'il peut en disposer comme il lui plaît, pour le temps où il existe, et que la prohibition qui lui est faite de disposer au-delà d'une certaine portion de ses biens ne porte que sur la propriété même des biens et sur les revenus qui doivent échoir après son décès. Or, par les mêmes motifs, l'enfant qui est donataire de simples jouissances, ou de rentes, ou de pensions annuelles, doit conserver tout ce qu'il a perçu ou reçu, avant la mort de son père, quoiqu'il ait perçu ou reçu bien au-delà de ce qui lui était convenablement nécessaire pour sa nourriture et son entretien. Entre les deux cas, il n'existe pas de différence, et la décision doit être la même. Aussi l'on a vu précédemment que le parlement de Normandie, qui était si sévère sur l'obligation de rapporter, avait néanmoins établi, par l'art. 95 de son règlement de 1666, sans aucune limitation,' que la pension ou jouissance donnée par le père ou autre ascendant ne devait pas être mise en partage. 2o Par les mêmes motifs, et encore parce que l'art. 856 ne fait, -à l'égard des fruits et intérêts échus avant la mort du donateur, aucune distinction entre ceux qui étaient perçus et ceux qui étaient dus, l'enfant donataire de simples jouissances d'immeubles, ou d'intérêt de capitaux dus au père par des tiers, a aussi le droit de réclamer, après la mort du père, ce qui était échu avant cette épo que, et qu'il n'avait pas encore perçu, quelle qu'en soit la quotité, parce qu'il ne s'agit toujours que de simples revenus dont le père pouvait disposer sans réserve, et qui étaient échus avant son décès. 3° Mais il peut en être autrement lorsqu'il s'agit d'une rente ou pension que le père s'est chargé personnellement de payer, chaque année, à l'un de ses enfans. La quotité annuelle de la rente ou pension peut excéder les revenus annuels du père, et les arrérages qu'il ne paie pas peuvent former, à son décès, une masse considérable qui absorberait la majeure partie de sa succession. Ou bien encore, lors même que la rente ou pension n'excéderait pas ses revenus, il est possible qu'il ne retire pas de quittances des arrérages qu'il paie, et cela dans l'intention de donner à son enfant le droit de prendre encore ces arrérages dans sa succession. Il faut donc que, pour empêcher ces moyens frauduleux de faire des avantages excessifs, les tribunaux aient le droit de réduire à une juste mesure les arrérages arriérés, de manière que ces arrérages ne puissent jamais dépasser la portion disponible du donateur, et même que les tribunaux aient aussi le droit de juger, d'après les circonstances, si les arrérages réclamés sont réellement dus. Mais cette exception est la seule qui, suivant moi, doit être admise à la règle générale établie par l'art. 856. ARTICLE 857. Le rapport n'est dû que par le cohéritier à son cohéritier; il n'est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession. 1. Rétrospection. 2. Suite. SOMMAIRE. 3. De même que les donataires et légataires ne peuvent pas demander le rapport, de méme ils n'y sont pas soumis s'ils ne sont pas héritiers légitimes. 4. Le rapport n'est pas dû au légataire, bien qu'il soit en même temps héritier ab intestat. 5. La femme donataire, par contrat de mariage, d'une part d'enfant, a droit au rapport de la donation faite à l'enfant d'un premier lit. 6. Le rapport n'est pas dû aux créanciers, Motif. |