l'ouverture de la succession du donateur; c'est ce qui constitue une différence essentielle entre le don de mobilier et le don d'immeubles, puisqu'aux termes de l'art. 859 le donataire d'immeubles est censé n'en avoir pas eu la propriété réelle et définitive, lorsqu'ils se trouvent encore dans ses mains lors du décès du donateur, et qu'en conséquence il est tenu de les rapporter en nature. De là résulte encore une autre différence, c'est qu'on ne peut pas appliquer au donataire d'objets mobiliers la disposition de l'art. 855. Si, en effet, le donataire d'un immeuble est dispensé de tout rapport, lorsque l'immeuble a péri par cas fortuit et sans sa faute, s'il n'en supporte pas la perte, c'est qu'il n'en était pas propriétaire incommutable, c'est que, tant qu'il l'avait dans ses mains, il en était débiteur envers la succession: or, par la raison contraire, le donataire de choses mobilières en doit supporter la perte, quoiqu'elle ait lieu par cas fortuit et sans sa faute, parce qu'il en a été propriétaire incommutable depuis le moment de la donation, et conséquemment il n'est pas dispensé d'en rapporter la valeur, lorsqu'il vient à la succession du donateur. 3. Mais quelle est la valeur que, dans tous les cas, il est tenu de rapporter ? Est-ce la valeur, à l'époque de la donation qui lui a été faite, ou la valeur, à l'époque de l'ouverture de la succession du donateur? A cet égard, les anciens auteurs n'étaient pas d'accord. Suivant Ferrière, sur l'art. 305 de la coutume de Paris, toutes les choses mobilières, sans distinction, devraient être rapportées, d'après leur valeur, à l'époque de l'ouverture de la succession. Lebrun disait, dans son Traité des Successions, liv. III, chap. VI, sect. III, no 34, que les choses mobilières qui ne se détériorent point par l'usage, comme les perles et les diamans, devaient être rapportées suivant leur valeur au temps de l'ouverture de la succession, et que les autres devaient être rapportées suivant leur valeur au temps de la donation. Pothier professait, au contraire, dans son Traité des Successions, chap. IV, art. II, § 7, que, dans tous les cas et sans aucune distinction, le donataire de choses mobilières devait être tenu d'en rapporter la valeur au temps de la donation. Cette dernière opinion, qui était la plus généralement suivie, a été consacrée par l'art. 868 du Code civil. Elle est la plus facile dans son exécution, puisqu'elle dispense d'examiner si les objets mobiliers ont été améliorés ou détériorés depuis la donation, et quelle est la valeur des améliorations et des dégradations; au lieu qu'il faudrait se livrer péniblement à cette vérification, si les objets mobiliers devaient être rapportés suivant leur valeur à l'ouverture de la succession. D'ailleurs, le donataire n'éprouve aucun préjudice de ce qu'on l'oblige à rapporter la valeur qu'avaient ces objets, au moment où il les a reçus, au moment où il en est devenu propriétaire incommutable, puisqu'il a réellement profité de cette valeur, sans y comprendre même les jouissances qui lui restent entièrement, en vertu de l'art. 856. 4. La valeur du mobilier, au temps de la donation, doit être fixée d'après l'état estimatif de ce mobilier, qui a dû être annexé à l'acte même de donation, suivant l'article 948 du Code. Cependant, si, dans l'état annexé à l'acte, le mobilier n'avait pas été estimé à sa juste valeur, les cohéritiers du donataire pourraient demander une estimation nouvelle, et exiger le rapport de toute la valeur qui serait fixée par cette nouvelle estimation, à moins que le donateur ne se fût formellement expliqué à cet égard, pour prévenir toutes difficultés, et n'eût formellement dispensé du rapport, pour l'excédant que pourrait avoir la valeur réelle. 5. L'art. 868 ajoute qu'à défaut d'état estimatif annexé à l'acte de donation, la valeur qu'avait le mobilier lors de la donation doit être estimée par experts, à juste prix et sans crue. Mais, dans ce cas, la donation n'est-elle pas nulle, et n'est-ce pas en conséquence à la restitution du mobilier, et non pas au simple rapport, qu'il y a lieu? En effet, le rapport ne peut avoir lieu qu'à l'égard des biens présens, actuellement donnés par actes entre-vifs. On ne peut rapporter que ce qu'on a reçu, que ce qu'on a dans sa possession. Lorsqu'on n'est donataire que de biens qui se trouveront au décès du donateur, ou qu'on n'aura droit de demander qu'après le décès, on n'a rien à rapporter, puisqu'on n'a rien reçu. Or, l'art. 948 du Code dit expressément que tout acte de donation d'effets mobiliers ne sera valable que pour les effets dont un état estimatif, signé du donateur et du donataire, ou de ceux qui acceptent pour lui, aura été annexé à l'acte de donation, et il est dit encore dans l'art. 1081, que toute donation entre-vifs de biens `présens, quoique faite par contrat de mariage aux époux, ou à l'un d'eux, sera soumise aux règles générales prescrites pour les donations faites à ce titre (1). 6. La première disposition de l'art. 868, qui porte que le rapport du mobilier ne se fait qu'en moins prenant, est-elle applicable aux dons qui ont été faits d'obligations, d'effets ou de rentes, dus par l'état ou par des particuliers? Si le donataire n'a pas reçu les capitaux de ces obligations, de ces effets, de ces rentes, ne doit-il pas être admis à les rapporter en nature, en restituant les contrats et les titres qui lui avaient été remis par le donateur? Ou bien est-il tenu de garder pour son compte personnel ces obligations, effets ou rentes, et de rapporter, en moins prenant, la valeur qu'elles avaient au moment de la donation? Une réponse décisive se présente, d'abord, à ces questions; c'est que, d'une part, l'art. 529 du Code déclare meubles, par la détermination de la loi, les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, et les rentes perpétuelles ou viagères, soit sur l'état, soit sur des particuliers; que, d'autre part, suivant l'art. 535, cette expression, mobilier, comprend généralement tout ce qui est censé meuble; et qu'il résulte de ces deux articles, que la disposition de l'art. 868, qui dit gé néralement, sans aucune distinction, sans aucune exception, que le rapport du mobilier ne se fait qu'en moins prenant, comprend les obligations, les effets et les rentes, dus par l'état ou par des particuliers. On objecte que l'art. 868 ne peut s'appliquer qu'aux meubles corporels, puisqu'il porte que la valeur du mobilier dont il ordonne le rapport en moins prenant sera réglée d'après l'état estimatif an (1) Le défaut d'état s'explique aussi en supposant qu'on a pu le perdre, ou qu'il s'agit de dons manuels. V. DELVINCOURT, t. II, p. 70. nexé à l'acte de donation, et, à défaut de cet état, d'après une estimation par experts. Mais, d'abord, lorsqu'il s'agit de donations de créances ou de rentes sur l'état, ou d'autres effets publics, ou d'actions dans des compagnies de finances, on peut et l'on doit même y annexer des états estimatifs, pour fixer la valeur au taux actuel, puisque la valeur de ces effets est très-variable. En second lieu, quand bien même la seconde disposition de l'art. 868 ne serait particulièrement applicable, en ce qui concerne l'état estimatif, qu'aux donations de meubles corporels, il n'en résulterait pas que la première disposition qui parle du mobilier en général, et sans excepter aucune espèce de meubles, ne comprend pas les obligations, les effets et les rentes. Remarquons, d'ailleurs, que, dans la section des rapports, le législateur a eu évidemment l'intention de régler le mode de rapport de toutes les espèces de biens; Qu'en effet, après avoir dit, dans l'art. 843, que tout héritier, venant à la succession, doit rapporter tout ce qu'il a reçu par donations entre-vifs, directement ou indirectement, après avoir statué, dans l'art. 858, que le rapport se fait en nature ou en moins prenant, il a, dans les articles qui suivent jusqu'au 868o, réglé le mode de rapport des immeubles; qu'ensuite il a réglé, dans l'art. 868, le mode de rapport du mobilier, et qu'enfin, dans l'art. 869, il a réglé le mode de rapport de l'argent donné. Or, les obligations, les effets et les rentes ne peuvent être rangés dans la classe des immeubles; ils ne sont pas, non plus, identiquement de l'argent donné; ils se trouvent donc nécessairement compris dans la disposition de l'art. 868, qui statue sur le mode de rapport du mobilier : ou bien, il faut dire que le législateur a omis de statuer sur le mode de rapport de ces objets. Mais, d'abord, cette omission n'est pas vraisemblable, et même elle ne peut être alléguée, puisqu'elle se trouverait démentie par la disposition de l'art. 868, puisque l'expression mobilier, employée dans cet article, comprend généralement tout ce qui est meuble, soit par sa nature, soit par la détermination de la loi. On insiste, et l'on dit qu'il faut appliquer, par identité de motifs, au rapport des obligations, effets ou rentes, la disposition de l'art. 1567 du Code, qui porte que, si la dot comprend des obligations ou constitutions de rente, qui ont péri, ou souffert des retranchemens qu'on ne puisse imputer à la négligence du mari, il n'en sera pas tenu, et qu'il en sera quitte, en restituant les contrats. Oui sans doute, et je crois pouvoir aussi le dire franchement, il eût été plus équitable de n'ordonner le rapport des obligations, des effets et des rentes, que conformément à l'art. 1567; mais ce n'est pas là ce qu'a fait le Code; il a fait précisément le contraire par l'art. 868, et il ne peut être permis de déroger à la disposition textuelle de cet article, pour y substituer, par motif d'équité, une disposition différente. La cour de cassation pourrait-elle annuler, pour violation de la loi, un arrêt qui, en se conformant scrupuleusement au texte de l'art. 868, aurait ordonné que des obligations, des effets ou des rentes, seraient rapportés en moins prenant (1)? ARTICLE 869. Le rapport de l'argent donné se fait en moins prenant dans le numéraire de la succession. En cas d'insuffisance, le donataire peut se dispenser de rapporter du numéraire, en abandonnant, jusqu'à due concurrence, du mobilier, et, à défaut de mobilier, des immeubles de la succession. SOMMAIRE. 1. L'argent se rapporte, comme le mobilier, d'après le prix qu'il avait av temps de la donation. 2. Mode du rapport. 1. L'argent étant meuble, le rapport qui s'en fait à la succession doit être soumis à la, règle générale établie par l'art. 868 (1) Anciennement, le donataire d'un office devait rapporter la valeur au temps de la donation. Aujourd'hui nous devons décider de même. Tant pis pour le titulaire si sa charge a été supprimée, si sa valeur a diminué, etc. V. POTH., c. IV, art. 2, § 7. |