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EN QUATRE LIVRES

LE PREMIER. DE CEUX A QUI L'ON SUCCEDE,
& de ceux qui fuccedent.

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LE SECOND. DES CHOSES AUSQUELLES ON SUCCEDE.
LE TROISIEME. DES MANIERES DE SUCCEDER.
LE QUATRIÈME. DES CHARGES DES SUCCESSIONS.
Par Me DENIS LE BRVN, Avocat au Parlement.

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LAVILLE

HEQUE DE

LYON)

BIB

A PARIS,

Chez JEAN GUIGNARD, à l'entrée de la
Grand' Salle du Palais, à l'Image Saint Jean.

M. DC. LXX XXII.
AVEC PRIVILEGE DU ROY.

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PREFAСЕ

Ous les hommes desirent naturellement de sçavoir qui succedera, aprés leur mort, aux biens, dont ils joüiffent durant leur vie : Ils ont coutume de confulter, à cet effet, la Loy des Successions : & ils trouvent ordinairement que comme le Legislateur l'a dressée, suivant le vœu de la nature, & l'inclination la plus generale, elle leur destine pour heritiers, ceux qui auroient esté le sujet de leur propre choix: ils deferent alors à la Loy de leur païs, & abandonnent volontiers leurs biens au cours ordinaire des successions.

Quelquefois aussi leurs affections ne s'accordant pas avec le choix de la Loy, un merite étranger les engage plus; que ne font les liens du sang: où il arrive qu'entre leurs heritiers naturels, il y en a avec qui ils simpatisent davantage, ou dont ils ont reçû plus de complaisance : C'est ce qui donne aux hommes la pensée de disposer de leurs biens, pour satisfaire leur inclination, ou leur gratitude, & ce qui fait le sujet des testamens, qui sont dans le Droit commun un fecond genre de fuccefsions. Les successions ab inteftat sont uniformes: parce qu'elles dépendent de la Loy municipale, qui est constante dans ses decisions; au lieu que les successions teftamentaires varient presqu'autant de fois, qu'on les pratique: parce qu'elles font l'ouvrage du cœur humain, dont les mouvemens ne sont pas reglez.

Ce Traité ne concerne point les testamens : & le mot de fucceßions, qu'il a pour titre, à proprement parler, se doit entendre en païs Coutumier, des successions ab inteftat; & non pas des successions teftamen taires: parce que les institutions d'heritier sont abolies par la plupart des Coutumes; excepté les contractuelles, qui tiennent plus des donations entre-vifs; que des successions testamentaires. Au furplus, celles-cy ne sont que de simples legs, comme nos teftamens ne font que des codicilles. Ce mot signifie donc, dans nostre Droit des Successions que la Loy; & non pas la volonté du défunt, defere à quelqu'un : qui se doivent à la prévoyance d'une Coutume; & non à la liberalité d'un testateur: où l'on vient par proximité, & par droit du sang ; & non par choix, ni par predilection.

Il y a même des Auteurs qui pretendent, qu'on doit user du mot de successions legitimes; & non du terme de successions ab inteftat: parce qu'on ne peut pas dire, que quelqu'un laisse sa succession ab inteftat, quand il ne luy est pas permis de faire de testament: ce qu'ils verifient par l'exemple d'un furieux ou d'un impubere, dont on ne dira pas qu'il soit mort ab inteftat: puisqu'il ne pouvoit pas tester: d'où ils concluent que comme l'on n'a point en païs Coutumier de veritables teftamens,

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l'on n'y a point, non-plus, de successions ab inteftat.

Que si les successions, dont il s'agit, sont legitimes, elles ne font pas moins naturelles. Car la Loy qui les defere aux plus proches heritiers, ne fait que suivre l'inclination du fang, & la pante de la nature. Et lors même qu'une Coutume affecte les propres à leur ligne, & qu'à la mort de quelqu'un elle renvoye les biens à l'estoc, d'où ils procedent (quoique les heritiers qui en profitent, se trouvent quelquefois afsez éloignez,) il est vray de dire, en ce cas, que cette Loy municipale imite la nature, qui aprés avoir formé les corps de divers elemens, ne fait autre chose, lorsqu'elle les veut dissoudre, que rompre le ciment qui les unit, & renvoye ainsi à leur centre chacun de ces ele

mens.

Quand on auroit donc reçû en païs Coutumier plusieurs genres de successions, & quand les legs & les fideicommis pourroient estre compris fous ce mot, il seroit toûjours certain que celles dont il s'agit meriteroient seules, par leur excellence, la prerogative de ce nom. L'on y voit reluire un cerrain caractere de Justice, qui a fait dire, que la difposition des Coutumes estoit le testament des sages. Aussi on confidere le cours des successions comme celuy des fleuves, qui semble n'avoir pour objet, que de porter, par-tout avec luy, la fecondité; au lieu qu'on regarde les dispositions teftamentaires, comme des torrens, qui semblent faits pour troubler l'economie de la nature, & laiffent partout d'assez tristes marques de leur passage. En un mot, on se plaint toujours des testamens; & jamais des successions.

On accuse l'excés des liberalitez de l'un, & les donations immenses, qu'il a faites dans son testament, au lieu de soûtenir sa disposition, servent à l'ébranler, & à la détruire. L'on croid qu'un autre n'a pas afsez donné, & qu'il n'estoit pas perfuadé que sa mort estoit prochaine, quand il a testé avec tant de retenuë, bona diftribuit parcès nec ut moriturus, dit Tacite. Le pauvre teste plus sûrement: parce qu'il a peu à donner. Testamentum Vinnii magnitudine opum irritum; Pifonis fupremam voluntatem, paupertas firmavit.

Celuy-cy ordonne une longue suite de degrez de substitution, & de crainte de manquer d'heritiers, quoy qu'il sçache que la Loy limite sa disposition à un certain nombre de personnes, il ne laisse pas de la qualifier, & de la vouloir rendre, perpetuelle. Un autre regle le rang de ceux qu'il substituë à son heritier, sur l'ordre de leur naissance, fans considerer la fragilité de nos jours, & fans refléchir que dans la nature le cœur qui reçoit le premier la vie, souffre neanmoins le dernier la mort; & qu'au contraire, l'œil qui est le dernier à recevoir la vie, est le premier à la perdre; qu'enfin il n'y a aucun ordre dans la durée de nos jours.

Celuy-cy mourant armé d'un grand credit, & fe faisant encore craindre aprés sa mort, l'on respecte durant quelque temps fon testament, que l'on caffe peu aprés. L'on dit de luy, comme d'un monstre nouvellement abatu,

Nec adhuc contingere tutum est.

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sa faveur, comme une liqueur enflammée, menace par sa chaleur; & l'on attend qu'elle soit refroidie. Un autre s'avise de multiplier ses tef

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tamens, comme s'il vouloit confondre ses dernieres volontez, qu'il s'agit neanmoins de produire, & de faire confirmer. Il imite cette Reine d'Egypte, qui pour soustraire le corps de fon mari à la haine de ses ennemis, luy fit faire divers Tombeaux en des lieux fort écartez, & cacha, par ce moyen, celuy qui estoit le veritable depositaire des restes de son époux.

Que dire de ces temps difficiles, ou c'estoit une Loy de la fervitude, sous laquelle on vivoit alors, que d'instituer les puissances dans son teftament, & de les preferer quelquefois à fon propre fang? Nam quamvis minime appeteret hereditates, dit Suetone, en parlant de l'Empereur Auguste; ut qui nunquam ex ignoti testamento capere quidquam sustinuerit; amicorum tamen fuprema judicia morofißimè pensitavit : neque dolore dißimulato, si parcius, aut citra honorem verborum ; neque gaudio, fi gratè, piéque quis se profecutus effer. Ce que Tacite a jugé digne d'une censure, qui pouvoit bien servir à abolir une Coutume, également desavantageuse à la domination, & à la servitude, lors que parlant du testament de Julius Agricola, qui se crut obligé d'inftituer pour fon heritier l'Empereur Domitien, & de l'associer dans les biens de sa succession, avec sa femme, & fa fille, il dit que ce teftament causa de la joye à cet Empereur, qui ne sçavoit pas, qu'un bon pere ne peut gueres instituer pour son heritier, qu'un méchant Prince.

Enfin, les caprices des Philosophes qui se sont mêlez de tester, ne contribuent gueres plus à la gloire des testamens: puisqu'on voit qu'Eudamidas de Corinthe legue à un de ses amis le soin de nourrir sa mere; & à un autre celui de marier sa fille, & les substituë l'un à l'autre, se rapportant ainsi à des sentimens, d'une generosité sans exemple, de la vie de sa mere, & de l'établissement de sa fille, fans y pourvoir autrement : & que Crates ordonne dans son teftament, que son argent fera déposé entre les mains d'un de ses amis, à la charge de le rendre à ses enfans, s'ils font lâches & ignorans; que s'ils font braves gens & bons Philofophes, de le distribuer aux Thebains : & il hazarde, par cette belle disposition, de porter ses enfans à la pareffe & à l'igno

rance.

Ces fautes ne s'imputent jamais à ceux, qui se rapportent aux Loix de leur païs, de faire le choix de leurs heritiers, & le partage de leurs successions: On n'accuse pas ordinairement la disposition des Coutumes : elle est toûjours prudente & pleine d'une profonde sagesfe : & elle imprime toûjours du respect pour elle & pour ceux qui la suivent. En effet, on ne dira point que ces Loix municipales dispensent les biens aux heritiers legitimes, avec trop de profusion, ou trop de reserve, qu'elles se trompent quand elles prescrivent l'ordre des successions, & que les évenemens éludent quelquefois leur prévoyance: puisque par une disposition fimple & naturelle, elles comprennent tous les cas, qui peuvent arriver, en disant: Le mort saisit le vif son plus prochain heritier, habile à lui fucceder. Cet Oracle de nostre Jurisprudence n'a rien de confus, & l'on n'est point en peine de trouver, par de longues differtations, le veritable sens d'une Loy fi claire: re: ce n'est point, non-plus, une disposition politique, qui appelle les Puissances en participation des biens des familles privées, & qui mêle les interests du fisc, dans les droits

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