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CHAPITRE III.

DES CAUSES QUI EMPÊCHENT LA PRESCRIPTION.

ARTICLE 2236.

Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit.

Ainsi le fermier, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement la chose du propriétaire, ne peuvent la prescrire.

468. Transition.

SOMMAIRE.

469. Des causes qui empêchent la prescription des choses naturellement prescriptibles. De la possession précaire ou pour autrui.

470. Exposé du plan suivi dans le commentaire de ce chapitre.

471. Sens du mot précaire.

472. Enumération des possesseurs précaires.

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473. La réserve du domaine par le vendeur avec clause 484. Des droits du mari sur les paraphernaux. Distinc

de précaire ne donne pas à l'acquéreur la qualité
de possesseur précaire.

474. 1o Le fermier ne prescrit pas le fonds qui lui est
affermé, quand même il le posséderait après la
fin du bail. Anomalie de la coutume de Metz.
Quid de l'action du maître contre le fermier
pour le faire rendre compte? Quid de l'action
en dommages et intérêts contre le fermier qui
a vendu la chose?

475. 2° L'emphytéote est assimilé au bailliste.

476. 3o L'usufruitier et l'usager ne prescrivent pas con-
tre celui dont ils tiennent la chose.

477. 4° Il en est de même du capitaine de navire.
478. 5o Du dépositaire. Fameux exemple de la comté
de Clermont. Mais si la chose déposée n'existe
plus en nature, l'action en indemnité se prescri:
par 30 ans.

479. 6o Les mêmes principes s'appliquent au séquestre,
à l'antichrésiste et au gagiste.
480. Mais si le débiteur, après avoir payé tout ce qu'il
doit, ne retire pas le gage, le détenteur com-
mence une possession animo domini. Il en est de
même s'il est convenu par une clause de contrat
qu'après un certain délai le détenteur sera pro-
priétaire et possédera pro suo.

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491.

492.

493.

494.

11o Des envoyés en possession des biens d'un ab

sent.

De l'envoyé en possession définitive. Dissentiment
avec M. Vazeille, qui en fait un possesseur pré-
caire.

12° L'associé n'est pas possesseur précaire.
13° Du donateur et du vendeur à titre de consti-
tut. Ils sont possesseurs précaires. Explication
d'un arrêt du parlement de Toulouse. Nécessité
d'user des arrêts avec précaution.

481. 7° L'engagiste est comme l'antichrésiste et le dé- S. Transition à l'article suivant.
positaire.

COMMENTAIRE.

468. Il y a des causes qui empêchent la prescription; il y en a qui l'interrompent; il y

en a enfin qui la suspendent. Les chapitres 3, 4 et 5 sont relatifs à cette matière. Nous devor

nous occuper ici des causes qui s'opposent, par un empêchement insurmontable, à la prescription des objets naturellement prescriptibles. 469. Lorsqu'un objet appartient à la classe des choses susceptibles d'être atteintes par la prescription, il y a une circonstance qui empêche que le possesseur ne puisse l'acquérir par ce moyen. C'est lorsqu'il ne la prend pas pour son compte, c'est lorsqu'il la prend pour autrui. De là la règle de notre article, ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit. Elle n'est que le corollaire de l'art. 2229, qui, pour prescrire, exige une possession à titre de propriétaire.

L'on conçoit la justesse de ce principe. La prescription ne fait acquérir que ce que l'on a possédé. Or, si l'on n'a pas possédé pour soimême, loin d'avoir acquis pour son propre compte, on n' aura fait que mettre en action la possession d'autrui, et l'on aura empêché la perte du droit du propriétaire [1].

470.- Nous allons voir quels sont les possesseurs précaires ou pour autrui.

Puis, en commettant l'article 2237, nous examinerons les droits des héritiers des possesseurs précaires.

Enfin, nous aborderons la matière des interversions, quand nous analyserons les art. 2238, 2239, 2240, 2241.

471. - Nous avons expliqué (no 365) ce que l'on doit entendre par possesseur précaire. Le mot de précaire a, dans notre droit, un sens beaucoup plus large que chez les Romains. Il désigne tous ceux qui possèdent en vertu d'une convention, ou d'un titre exprès qui les force à reconnaître le droit d'autrui. Il ne faut pas confondre le précaire avec la tolérance et la familiarité, qui supposent une permission tacite, mais révocable et sans conséquence [2].

472.- La catégorie des possesseurs précaires comprend le fermier, le dépositaire, l'usufruitier, qui sont expressément dénommés dans notre article: l'usager, l'emphytéote, le capitaine de navire, l'envoyé en possession provisoire, le séquestre, l'antichrésiste, l'engagiste; le mari relativement aux biens de sa femme; le tuteur relativement aux biens de son pupille; le procureur, le negotiorum gestor, etc., [3].

Arrêtons-nous un instant sur chacune de ces individualités.

[1] Voy. Suprà, n. 363, 364 et suiv., Vazeille, n. 121. [2] Dunod, p. 85. Suprà, t. 3, n. 83. Vazeille, n. 472. [3] Dunod, p. 34. D'Argentré dit : << Nam coloni, >> procuratores, usufructuarii, economi, denique omnes » qui alteri operam navant et alieno nomine detinent, » possidere non dicuntur. » Sur Bretagne, art. 265,

473,

Mais avant tout faisons remarquer que ce serait une erreur de voir une possession précaire dans le cas où un contrat de vente, passé dans un ancien pays de droit écrit, stipulerait la réserve de domaine et la clause de précaire en faveur dn vendeur. J'ai dit, dans mon commentaire des Hypothèques (no 174 et suiv.), que cette stipulation n'était qu'une réserve du privilége de vendeur. C'est ainsi que la chose a été jugée au parlement de Toulouse par arrêt du 5 novembre 1664 [4].

474.

1o Le fermier possède au nom du bailleur. Sa jouissance est perpétuellement inutile pour prescrire la propriété du fonds qui lui a été affermé [5].

« Qui ex conducte possidet, dit l'empereur >> Alexandre, quamvis corporaliter possideat, » nam tamen sibi sed domino rei creditur pos» sidere; neque enim colono vel conductori » prædiorum longæ possessionis præscriptio ac» quiritur [6].

L'expiration du bail ne change pas le caractère de la possession du fermier; car l'on sait que le bail est censé prorogé par tacite reeonduction si le preneur reste et est laissé en possession [7]. La possession à titre de bailliste se perpétue donc forcément; commencée à titre précaire, elle continue au même titre, non pas seulement d'après la présomption écrite dans l'art. 2231, mais encore par la nature des choses et la puissance des faits. La coutume de Metz avait, du reste, sur ce point une disposition exorbitante du droit commun et contraire à toutes les règles. Elle décidait que le fermier et l'usufruitier commencent à prescrire du jour que la ferme ou l'usufruit est fini et éteint. Le Code civil a fait disparaître cette anomalie.

Remarquons cependant que l'action du propriétaire contre le fermier, à l'effet de le forcer à rendre compte, dure 30 ans; que, même s'il a aliéné la chose, l'obligation qui pesait sur lui, de rendre l'immeuble au bailleur, se convertit en une obligation d'en payer la valeur, obligation soumise à une prescription trentenaire. La cour de Grenoble avait proposé sur le projet du Code civil, dans ses observations, de placer dans le chapitre que nous commentons un article exprès, pour consacrer cette règle. Mais son omission ne nuit en rien à son existence légale.

p. 914, c. 4, n. 2.

[4] Répert, de M. Merlin, vo Prescript.

[5] L 2, § 1, D. pro hærede. Suprà, n. 262. D'Argentré, p. 915, dit: nequidem mille annis. [6] L. 1, C. comm. de usucap.

[7] Art. 1738, C. C. D'Argentré, p. 914, n. 8.

Seulement on peut se demander depuis quelle époque cette prescription commence à courir: est-ce du jour où le bail a pris fin? estce du jour où la prescription est acquise au tiers acquéreur ?

En faveur du second avis, l'on dit que le détenteur précaire ne doit pas profiter de son dol et de sa fraude; qu'il ne peut être traité plus favorablement que le détenteur précaire qui, ayant observé la loi du contrat, n'aurait jamais pu prescrire; qu'ayant d'ailleurs cessé de posséder par dol, il est réputé possesseur à l'effet de procurer le délaissement de la chose dont il est dessaisi, à quelque époque que le propriétaire la réclame [1]. L'action en indemnité, ajoutet-on, ne peut naître qu'au moment où le propriétaire, se présentant pour obtenir le délaissement de son immeuble, ne le trouve plus dans les mains du détenteur précaire auquel il l'avait confié, mais bien dans celles d'un tiers acquéreur qui l'a valablement prescrit par 30 ans. Or, ne serait-il pas absurde de prétendre que le détenteur précaire a pu prescrire contre l'indemnité, en même temps que le tiers acquéreur aurait prescrit la propriété?

Mais ces raisons, plus spécieuses que solides, s'éclipseront complétement si l'on réfiéchit que dès l'instant que le fermier a dû faire remise de la chose au propriétaire, celui-ci a eu une action découlant du contrat de bail pour le forcer à remplir son obligation, et qu'il doit s'imputer de ne l'avoir pas exercée pendant 30 ans, • durée des actions les plus longues. C'est un faux-fuyant palpable que de recourir aux lois 131 et 150 D. de regulis juris. Ces textes, écrits par les jurisconsultes de l'école classique romaine, à une époque où on ne connaissait pas encore la prescription trentenaire des actions personnelles veulent dire tout simplement que celui qui par dol cesse de posséder, est tenu pour possesseur à l'effet de dédommager le propriétaire. Mais il n'en résulte pas que l'action en indemnité est imprescriptible; sans quoi ceux qui citent ces lois iraient plus loin qu'euxmêmes ne veulent aller, puisqu'ils accordent que l'action en dommages et intérêts est prescriptible, et que toute la difficulté roule sur la question de savoir à quelle époque commence la prescription.- Au surplus, l'opinion que

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je soutiens peut s'appuyer d'un arrêt de la cour d'Amiens du 18 nov. 1824 [2]; toutefois, en lisant les observations de la cour de Grenoble sur le projet du Code civil, on n'a pas de peine à s'apercevoir que cette cour inclinait pour l'autre avis, quoiqu'elle ne le dise pas expressément; mais cette préférence est insoutenable. 475. 2° L'emphytéote, fermier à trèslongues années, est assimilé au bailliste et trouve dans sa possession le même empèchement pour prescrire [3]. L'empereur Justin le décidait ainsi dans la loi 7, § 6, C. de præscript. 30 vel, 40. « Nulla scilicet danda licentia vel » ei qui jure emphythcotico rem aliquam per >> quadraginta, vel quoscumque alios annos, >> detinuerit, dicendi ex transacto tempore do» minium sibi in iisdem rebus quæsitum esse; » cum in eodem statu semper manere datas >> jure emphytheotico res oporteat. >>

Par arrêt du 21 août 1734, leg grand conseil

a jugé qu'un héritage donné à emphytéose devait retourner au bailleur, quoique depuis l'expiration du bail, il se fût écoulé plus de 80 ans [4].

476.-3° Celui qui possède en vertu d'un titre qui lui concède l'usufruit ou l'usage d'une chose, ne peut se prévaloir de sa possession pour convertir son droit à un simple démembrement en droit intégral de propriété [3]; c'est la décision expresse de notre article.

Au surplus, il faut se rappeler ce que nous avons dit (n° 364) de la possibilité d'acquérir par la voie de la prescription l'usufruit luimême ou le droit d'usage considéré comme séparé de la propriété et formant un droit à part.

477.-4. Le capitaine de navire ne peut acquérir la propriété du navire par prescription (C. de c., 430) [6].

478.-5° Le dépositaire ne prescrit pas contre le déposant [7]. Les anciens jurisconsultes citent tous à ce propos le fameux arrêt rendu pour la comté de Clermont contre l'évêque de cette ville. Dans l'espèce, les évêques de Clermont avaient joui de cette comté pendant l'espace de 3 ou 400 ans, et neanmoins elle leur fut ôtée, parce qu'on montra qu'ils ne l'avaient possédée qu'à titre de dépôt [8].

Néanmoins, si la chose déposée n'existe plus

liv. 11, ch. 5.

(5) L. 11, D. de acq. rer. dom. Just. per quas perso

nas. Henrys, t. 2, p 901, quest. 162.

[6] Vazeille, n. 132.

[7] L. 33, § 4, D. de usucap.

[8] Henrys, t. 2, p. 902, q. 163. Infra, n. 523.

en nature, et que le déposant n'ait contre le dépositaire qu'une action en indemnité, cette action se prescrit par 30 ans, comme toutes les autres actions. «Tant que la chose déposée >> existe en nature, dit Dunod, pag. 101, elle >> ne peut être prescrite par le dépositaire, s'il >> ne fait voir qu'il l'a tenue depuis le depôt à » un autre titre. Mais si elle n'existe plus, >> comme le dépôt consiste en choses périssa>> bles, qui ne sont plus entre les mains du dé> positaire, il est censé les avoir rendues après >> 30 ans, et l'action que l'on avait contre lui >> périt dans ce terme, comme les autres actions >> personnelles [1]. »

479. - 6o Les mêmes principes sont applicables au séquestre [2], à l'antichrésiste [3] et au créancier gagiste [4]. Du reste, lorsque nous donnerons le commentaire du titre du nantissement [5], nous examinerons si le créancier peut, tant qu'il n'a pas renoncé et malgré le laps de temps le plus long, rendre la chose donnée en gage, et forcer le débiteur à payer la dette.

Mais nous pouvons énoncer ici, comme conséquence de l'imprescriptibilité de l'immeuble donné à l'antichrèse que le débiteur peut en tous temps retirer le gage en payant. Dunod dit cependant, p. 92, que la question a été controversée; mais deux arrêts du parlement de Besançon l'ont jugée en faveur du débiteur. « Le >> fondement de cette jurisprudence se tire, dit» il, non-seulement de ce que le débiteur ayant >> toujours la liberté de payer, il s'en suit qu'il >> doit toujous avoir celle de retirer le gage; >> mais encore de ce que le créancier ne possé>> dant pas le gage comme maître, il n'en peut >> pas prescrire la propriété, il le tient au nom >> du débiteur dont il reconnaît le domaine, ce

créancier le prescrira, parce qu'il ne le possédera plus dès lors comme gagiste. La cause de la possession sera changée et l'action du débiteur pour retirer la chose, après avoir payé, est une action personnelle qui s'éteint par 30 ans (Dunod, p. 92).

Il en est de même si, par une clause du contrat, l'antichrèse cesse au bout d'un certain temps; et si, de cette époque, commence une possession animo domini. C'est ce qu'a jugé la cour de Bruxelles par arrêt du 26 juin 1816 [9], dans une espèce où il avait été convenu qu'a l'expiration d'un an le créancier deviendrait propriétaire si le prix n'était pas payé. La cour pensa que sans doute cette clause prohibée par les lois, n'avait pu de plein droit donner la propriété au créancier, mais que du moins elle avait pu faire une possession animo domini suffisante pour prescrire.

481-7° L'engagiste se trouve dans une position identique à celle de l'usager, de l'usufruitier, du dépositaire, de l'antichrésiste. Il est possesseur précaire, et comme le disait Dumoulin, il ne peut prescrire neque per mille annos [10]. C'est ce qui a été jugé par arrêt du 26 mars 1520, rapporté par Brodeau [11]. Henrys, en professant cette opinion, revient encore pour la justifier sur le célèbre arrêt donné pour la comté de Clermont contre l'évêque de cette ville, arrêt que nous avons rapporté au n° 78.

482. - Mais on ne devrait pas confondre avec un engagement une vente avec clause de rachat. L'acheteur n'est pas possesseur précaire. La vente lui a transporté la propriété de la chose; il en jouit comme maître. Si le vendeur négligeait d'exercer le rachat dans le délai con

>> qui forme un obstacle perpétuel à la pres-ventionnel, ou légal, ce droit accidentel se presde précision encore: si res in dote dentur, puto IN BONIS MARITI fieri, accessionemque temporis marito ex persond mulieris concedendam [1]. Pothier et tous les commentateurs ne cessent de répéter: maritus est rerum dotalium dominus [2]. Il est vrai que le même Tryphonius enseignait que la dot appartenait à la femme: quamvis in bonis mariti dos sit, mulieris tamen est [3]. Mais il ne parlait ainsi que, eu égard au droit de l'épouse de reprendre son fonds dotal à la dissolution du mariage. Du reste, on ne contestait pas que, pendant le mariage, le domaine de la dot appartint au mari; aussi avons nous vu Ulpien dire que le mari ne possède pas pour sa femme; qu'au contraire la possession de cette dernière passe sur sa tête, à peu près comme l'acquéreur succède au vendeur (inf., 877).

>> cription. Imprescriptibilitas tunc provenit ab » agnitione dominii,quæ per se sufficiens est » AD ETERNITATEM interruptionis [6]; et la loi > dit sur cette question: Pignori rem acceptam » non usu capimus, quià pro alio posside>> mus [7]. » Le président Favre cite aussi une décision du sénat de Chambéry rendue sous l'influence de ces idées [8].

480.- Lorsque le débiteur, après avoir payé tout ce qu'il doit, ne retire pas le gage, le

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crirait; et l'acheteur, en vertu de sa possession animo domini, deviendrait propriétaire pur et simple.

483.- 8o Le mari joue des rôles divers suivant le régime adopté par les époux pour gouverner leur mariage.

1o Sousle régime dotal, le mari était, d'après les lois romaines, propriétaire de la dot: apud maritum dominium est, disait le jurisconsulte Tryphonius [12]. Et Ulpien ajoutait avec plus

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Mais à la dissolution du mariage, la femme avait le droit de reprendre sa dot, et cette action, appelée de dote ou dotis actio [4], se prescrivait par 30 ans. Vainement aurait-on dit que lemari était possesseur précaire. C'eût été une erreur: c'est sur sa tête que reposait le domaine pendant le mariage; il avait la possession comme un acquéreur. Ayant possédé à titre de maître tant que l'union conjugale n'était pas dissoute, il continuait à plus forte raison à posséder ainsi lorsque le mariage n'existait plus. C'est pourquoi nous voyons l'empereur Justin comparer la restitution de la dot à une rédhibition et juger de son imprescriptibilité par la nature des obligations conditionnelles ou à terme. Illud quidem plus quam manifestum est, quod in omnibus contractibus, in quibus sub aliquâ conditione, vel sub die certâ vel incerta, stipulationes et promissiones vel pacta ponuntur, post conditionis exitum vel post instituæ diei certæ vel incertæ lapsum, præscriptiones 30 vel 40 annorum, quæ personnalibus vel hypothecariis actionibus opponuntur, initium accipiunt. Undè evenit UT IN MATRIMONIIS, IN QUIBUS REDHIBITIO DOTIS vel antè nuptias donationis in diem incertam mortis vel repudii differri solet, post conjugii dissolutionem earumdem curricula præscriptionum personalibus itidem actionibus vel hypothecariis opponendarum initium accipiant [5]. Aussi verrons-nous plus bas, n. 880, que les

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| Romains considéraient le titre pro dote comme translatif de propriété entre les mains du mari et comme pouvant servir de base à la prescription de 10 et 20 ans à son profit.

Ces principes étaient aussi ceux du droit français [6]. Le mari y était réputé propriétaire à charge de rendre. Vir, constate matrimonio, vocatur dominus, dit Dumoulin [7]; et Pothier n'hésitait pas à enseigner que le titre pro dote était translatif de propriété, et que le mari acquérait le domaine de propriété des choses qui lui sont données en dot par sa femme ou par d'autres pour elle [8].

C'est une question que de savoir si le Code civil a rejeté ou approuvé ces notions. La plupart des auteurs modernes, s'appuyant sur quelques mots des art. 1549 et 1562, inclinent à penser que le mari n'a aucun droit de propriété sur la dot pendant le mariage [9]. Mais ils sont fort embarrassés pour dire quel est le système que le Code civil a substitué au droit romain. Les uns, comme Proudhon, veulent que le mari soit un usufruitier [10]; les autres, comme Toullier, prétendent que le mari n'a sur les biens dotaux de sa femme que des droits purement mobiliers, qu'une sorte d'antichrèse; et ce qu'il y a de singulier, c'est que, pour faire prévaloir cette opinion sur celle de Proudhon, le célèbre professeur de Rennes invoque l'autorité des jurisconsultes romains, qui avaient si profondément médité, dit-il, sur la science du droit, et à qui il n'est jamais venu dans l'esprit de confondre le droit du mari avec un droit d'usufruitier [11]. Il est certain, en effet, que les jurisconsultes romains ne sont jamais tombés dans cette confusion; mais c'est par une raison qui pourrait ébranler un peu la doctrine de Toullier: c'est parce qu'ils considéraient le mari comme maître de la dot.

Pour moi, je ne vois dans le Code civil rien d'assez formel pour repousser la théorie du droit romain, source de notre régime dotal, et toujours adoptée dans la jurisprudence des pays du droit écrit. Il est vrai que l'art. 1549 dit que le mari a seul l'administration des biens dotaux pendant le mariage. Mais ce n'est pas à dire pour cela qu'il ne soit qu'un administrateur; car les fruits de la dot lui appartiennent, et il a des droits bien plus étendus que celui qui

[6] Merlin, Répert., vo Dot.

[7] Sur Paris, des Douaires.

[8] Pothier, Prescript., n. 68.

[9] Duranton, t. 15, n. 396.

[10] Usufruit, t. 1, p. 137, n. 280.

[11] Usufruit, t. 8, p. 37, n. 98 à 102

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