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à l'obligation, pourvu toutefois qu'elle ne soit pas le résultat de l'erreur [1].

Ceci n'est pas en contradiction avec ce que j'ai enseigné au n. 30. Je parlais alors d'un cautionnement donné par un tiers à une obligation frappée par la prescription. L'obligation principale étant éteinte, une obligation accessoire ne peut y accéder, et le fait d'un tiers, qui vient s'immiscer dans les affaires du débiteur sans son concours, et peut-être malgré lui, ne saurait faire revivre une obligation anéantie par un moyen de droit dont rien n'annonce que ce débiteur ne veut pas profiter. Ici il en est autrement: c'est le débiteur qui agit, qui cautionne, qui renonce, il use de son droit, et rien n'est plus logique que la renonciation que l'on attache à son cautionnement.

C'est faute d'avoir fait cette distinction que Dalloz a dit, dans son recueil, V. Prescription, n° 8, que la loi Si quis 37, D. de fidejuss., qui déclare sans effet le cautionnement d'une dette prescrite, est évidemment inadmissible dans notre droit. Cette loi, dont je me suis prévalu ci-dessus (no 30), ne parle que d'un cautionnement donné par un tiers, sans l'assistance du débiteur, et je ne doute pas que, dans ce cas, Dalloz lui-même n'admette avec elle l'inefficacité du cautionnement; mais elle est étrangère au cas où c'est le débiteur qui, en donnant une caution du paiement, reconnaît qu'il est encore obligé, et renonce ainsi à la prescription [2].

66. -4° Il y a aussi renonciation implicite à la prescription lorsqu'on consent à faire une compensation (infrà, no 73 et 618) ou à opérer une novation volontaire dans la créance. La compensation est une sorte de paiement, et l'on ne paie pas une dette quand on veut qu'elle reste prescrite. La novation transforme la créance, et l'on ne peut modifier que ce qui a une existence réelle.

le regardant comme un simple fermier, le somme de déguerpir, avec sommation de restituer les fruits perçus depuis sa mise en possession. Pillaut se prétend propriétaire. Jugement de Chinon du 18 déc. 1818, qui attribue cette qualité à Delamothe, et déclare seulement Pillaut créancier des deux rentes viagères; ordonne qu'il rendra compte des fruits, sauf à les compenser avec les arrérages de ces deux rentes auxquels il a droit. Ce jugement est confirmé sur l'appel.

Dans la liquidation, Delamothe soutient que d'après l'art. 2277, Code civil, il y a prescription de tous les arrérages remontant au-delà de cinq ans, et qu'on ne doit faire entrer en ligne de compte que ceux qui ne sont pas prescrits. Pillaut répond que le tribunal de Chinon, dont la décision était désormais souveraine, a ordonné que tous les arrérages, sans distinction, entreraient en compensation; qu'il a, par conséquent, écarté la prescription, et que Delamothe ne s'est plaint de ce chef de décision ni devant la cour nidepuis l'arrêt définitif; qu'ainsi il y a chose souverainement jugée et acceptée par Delamothe lui-même. Jusque-là ce système était certainement forcé, car il est évident que le tribunal, en ordonnant la compensation des fruits avec les arrérages dus, n'avait pas entendu enlever à Delamothe une exception dont le mérite n'avait pas fait l'objet de conclusions et de discussions pendant le débat. En renvoyant les parties à compter, le tribunal avait très-clairement entendu leur réserver tous leurs moyens et exceptions de droit.

Mais ce qu'il y avait de plus grave, c'est que, par acte extrajudiciaire du 5 août 1819, Delamothe, sommé de payer tous les arrérages, n'avait pas opposé la prescription, et s'était contenté de soutenir qu'ils devaient se compenser avec les fruits dont Pillaut lui devait compte. L'application de ces vérités, d'ailleurs évi- Or, opposer la compensation d'une créance avec dentes par elles-mêmes, se trouve dans l'arrêt autre, c'est lui reconnaître l'existence de la cour de cassation que voici : je le cite | comme à celle avec laquelle on veut l'éteindre;

parce que le fait était environné de circonstances qui pouvaient rendre problématique la compensation.

une

c'est mettre en présence deux droits ayant une consistance réelle, pour les détruire l'un par l'autre; c'est, par conséquent, s'interdire de soutenir que l'un est déjà détruit.

Par deux actes de 1811, Delamothe crée deux rentes viagères au profit de la demoiselle Champigny, pour prix du domaine de la Dixme. En 1814, Champigny vend ce même domaine à Pillaut, à qui elle cède tous ses droits aux rentes viagères. Pillaut se met en posses-ment du 18 déc. 1818, Delamothe avait for

sion, et jouit jusqu'en 1818. Alors Delamothe,

[1] Auquel cas il faudrait appliquer ce que j'ai dit suprà, n. 33.

C'est sous ce rapport que l'affaire fut parti. culièrement envisagée par l'arrêt de cassation du 19 janvier 1825. Cette cour insista surtout sur ce que, dans les actes d'exécution du jugemellement accepté la compensation, et que, par

[2] Voy. Duranton, n. 120 et 137.

ce fait, il avait renoncé à se prévaloir de la prescription.

Cette décision paraît équitable, si l'on considère notamment que les fruits dont Delamothe était créancier n'étaient soumis qu'à la prescription ordinaire, tandis que les arrérages dont il était débiteur se seraient trouvés limités par une courte prescription; qu'ainsi, toute égalité aurait été brisée entre les parties. Ce défaut d'équilibre dans deux positions qui semblent devoir être identiques a dû rendre les juges d'autant plus faciles à interpréter les actes dans le sens d'une renonciation favorable.

67.-5° Un autre cas où l'on rencontre une renonciation tacite à la prescription a lieu lorsque, sans contester au fond qu'on est débiteur, on se contente de discuter sur la quotité de la dette, et sur l'époque plus ou moins éloignée de son paiement.

Supposons que je puisse vous opposer la déchéance qui ressort de l'art. 165 Code de commerce; mais j'aime mieux vous demander un délai pour m'acquitter. C'est bien là reconnaître que votre droit n'a pas été ébranlé par la prescription [1].

68.- Le contraire a cependant été jugé par la éour de cassation, le 15 déc. 1819, qui n'est, à mon avis, qu'un démenti solennel donné aux présomptions les plus évidentes et les plus logiques [2].

Lorentz, adjudicataire de coupes de bois, avait souscrit, au profit du receveur général de Strasbourg, des traites qu'il ne paya pas à l'écheance. Pour prévenir les poursuites de son créancier, Lorentz s'était adressé à l'administration et avait obtenu diverses réductions sur le montant de la dette, ainsi que de nouveaux termes de paiement. C'étaient là autant de reconnaissances implicites qui écartaient le moyen de prescription.

Actionné par le receveur général devant le tribunal de Strasbourg, Lorentz opposa la prescription de cinq ans (art. 189, Code de comm.); on lui répondit par ses sollicitations géminées, et par les sursis qu'il avait obtenus. Neanmoins, le tribunal admit l'exception de prescription, sous pretexte que le receveur géneral ne produisait pas les actes prétendus émanés du défendeur sur lesquels seraient intervenues les décisions administratives. C'était reconnaître jusqu'à un certain point que, si ces pièces eussent été représentées, elles auraient été décisives comme

[1] Bordeaux, 14 mars 1828. Infrd, n. 618. Dunod, p. 58. Junge Vazeille, n. 345.

[2] J'ai déjà critiqué cet arrêt, supra, n. 56.

TROPLONG. PRESCRIPTION.

moyen de renonciation à la prescription. Du reste, l'on aperçoit avec quelle précipitation le tribunal repoussait la demande du receveur général, sans même ordonner un avant faire droit.

Sur le pourvoi, la section des requêtes, saisie de toutes les pièces probantes, franchit un pas devant lequel avait reculé le tribunal de Strasbourg, et elle décida que la prescription ne pouvait être détruite par de simples inductions; qu'on ne justifiait par aucun aveu, affirmation ou consentement, que le défendeur eùt renoncé à opposer la prescription!!!

Ayant réfuté ci-dessus, n° 56, cette proposition `paradoxale, que la prescription ne peut être détruite par induction, je n'ai pas à y revenir. Je me bornerai à dire qu'il faut être armé d'un scepticisme bien inexorable pour ne pas voir une reconnaissance de la dette, et par conséquent une renonciation tacite à la prescription, dans le fait de celui qui demande que le créancier réduise le montant de ce qui est dû et proroge le délai fixé pour le paiement.

69.6°C'est encore une renonciation implicite à la prescription que de déclarer qu'on est prêt à terminer avec son créancier, reconnaissant qu'il y a compte à rendre. Offrir de terminer, c'est offrir de payer: il n'y a pas d'autre sens à donner à ces mots, si on veut les interpréter sans cavillation. Reconnaître qu'il y a compte à rendre, c'est, dans les circonstances données, reconnaître l'existence de l'obligation à laquelle se rattache le compte; c'est, par conséquent, renoncer à la prescription: car la prescription, couvrant le passé, dispense de remuer le souvenir de ce qui s'est fait entre les parties [3].

Il ne faudrait pas cependant conclure de là que l'offre de rendre compte soit toujours une renonciation à la prescription. Cette offre peut ètre limitée par des expressions restrictives qui réservent implicitement le moyen de prescription [4]. On en a un exemple dans un arrêt de la cour de Limoges, que j'ai cité ci-dessus, n. 56. Il peut aussi se faire que le rendant soit débiteur de plusieurs articles distincts dont les uns sont prescrits et les autres ne le sont pas. Dans ce cas, l'offre de compter est censée s'appliquer seulement aux sommes que la prescription ne couvre pas, et l'exception de prescription demeure entière pour celles que le laps de temps rend irrécouvrables. En général, il est difficile de donner des règles à priori pour l'interpréta

[3] Amiens, 11 mars 1826. [4] Voy. Duranton, N° 137.

3.

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Marie Dulit forme une demande en partage et en délivrance contre Marcoux: celui-ci répond au bureau de paix qu'il ne refuse pas de lui abandonner ce qui lui revient; mais comme il avait beaucoup de répétitions à faire contre elle, il lui propose de nommer un seul arbitre pour régler leurs différendsen dernier ressort et sans appel, avec tout pouvoir de transiger. Un expert est nommé; mais il laisse expirer le temps qui lui est accordé pour statuer sur la contestation. Marie Dulit forme alors sa demande devant les tribunaux. Marcoux lui oppose que son droit était déjà prescrit lorsqu'ils ont procédé ensemble devant le bureau de paix. Marie Dulit répond qu'il y a eu renonciation à la prescription, puisque Marcoux a déclaré consentir à lui abandonner ce qui lui revenait.

Ici, je le dirai sans hésitation, il est impossible de donner à un acte une interprétation plus éloignée de cette ingénuité de bon sens, qui est la première condition du ministère du juge. N'est-ce pas, en effet, un rare effort de subtilité, que de soutenir que Marcoux n'avait consenti à délivrer à Marie Dulit son avenant que sous la condition sous-entendue que la prescription ne rendrait pas sa demande inutile? N'est-ce pas substituer à ce que les parties ont fait et voulu, dans la simplicité spontanée de leur conscience, des restrictions mentales trop semblables à celles d'une école devenue fameuse par les sarcasmes de Pascal. Eh quoi! Marie Dulit demande un partage, ainsi que sa portion afférente; si Marcoux veut lui opposer la prescription, le moment est opportun; un mot de sa part va lui fermer la bouche, et rendre inutile une procédure ordinairement longue et embarrassée. Mais point du tout! au lieu de soutenir qu'il est prêt à abandonner à Marie Dulit ce qui lui revient; et notez bien qu'il n'accompagne pas cette reconnaissance d'expressions restrictives. Il ne dit pas qu'il n'abandonnera que ce qu'il doit légitimement, ou ce qu'il est obligé de donner d'après la loi, etc. (suprà, no 57); il n'emploie aucune formule limitative ou conditionnelle : il parle, et promet purement et simplement. Que désire-t-on de plus formel? N'est-ce pas là acquiescer? n'est-ce pas s'obliger à parta

Quelque victorieux que parût ce moyen, la cour de Lyon le rejeta cependant; et, sur le pourvoi, la cour de cassation se rangea à la dé-ger? cision de la cour royale, par un arrêt dont les motifs sont ainsi conçus :

<< Attendu qu'en déclarant devant le juge-de>> paix qu'il ne refusait pas d'abandonner à >> Marie Dulit ce qui lui revenait, et en propo>> sant de nommer un arbitre, Marcoux n'a » évidemment entendu reconnaître à Marie Dulit >> que ce qu'elle pouvait valablement réclamer, >> conformément aux règles du droit et aux >> principes de la justice; que, n'ayant renoncé >> à aucune des fins de non-recevoir ou excep>> tions qu'il pouvait opposer à la demande, il >> ne peut être présumé, par la seule force de

Mais voyons ce qui suit. Marcoux demande qu'un expert arbitre soit nommé. Est-ce, comme on le disait devant la cour de Lyon, pour lui soumettre la question de propriété réservée in petto? Non, évidemment non! C'est parce qu'il a beaucoup de répétitions à faire contre Marie Dulit, et par conséquent qu'il y a lieu à une liquidation. Ainsi, il se défend par des compensations, et, comme je l'ai dit ci-dessus no 66, avec un arrêt de la cour de cassation elle-même, la compensation suppose une dette corrélative à une créance, et forme par conséquent un obstacle à la prescription. A celle qui est sa créan

>> cette déclaration, avoir abandonné le moyen | cière, Marcoux oppose qu'il est créancier à son

>> de prescription qui lui était acquis. Rejette.» Je sais que la cour de cassation est toujours gênée par un arrêt d'appel qui ne fait que résoudre une question de pure interprétation d'acte; mais, tout en tenant compte des difficultés qu'elle rencontre pour rentrer dans le vrai, je ne puis m'empêcher de remarquer que du moins elle ne devrait pas s'approprier les erreurs des cours royales qui ont blessé les règles de la logique. Il lui suffirait de rejeter purement et simplement, parce qu'il n'y a pas violation de la loi.

tour; il ne répudie pas sa qualité de débiteur, mais il cherche à la neutraliser, en voulant que Marie Dulit consente à lui tenir compte de celle de débitrice, qu'il lui attribue. Il argumente du partage à faire pour réclamer les répétitions qui lui reviennent; donc il ne considère pas la demande comme éteinte par la prescription. A quoi bon d'ailleurs un expert arbitre, puisque sa mission n'a d'intérêt que pour entrer dans le fonds de la liquidation et dans les éléments d'un compte, suite du partage.

Voilà, j'en suis sûr, les considérations qui auraient prévalu auprès de la cour de cassation, si l'affaire se fût présentée à elle sans le préjugé considérable résultant de l'arrêt de la cour royale; mais sa haute mission ne lui faisait-elle pas un devoir de dominer ce préjugé, au lieu de se laisser dominer par lui?

71. -8° C'était encore renoncer à la prescription que de demander à profiter, par le moyen de la subrogation, de la créance que le laps de temps pourrait faire écarter; car la subrogation n'est possible qu'autant que le droit existe, et il y aurait contradiction à vouloir s'en servir et la faire déclarer éteinte.

indulgence. C'est le résultat de sa position visà-vis les cours royales dans toutes les questions d'interprétation.

Mais, du moins, ce qu'il y a de certain, c'est que celui qui aurait commencé par demander la subrogation serait ensuite non-recevable à parler de prescription. Sur ce point, je crois que tous les esprits se rencontreront sans difficulté, et l'on sentira la nuance qui existe entre ce cas et celui qu'a décidé l'arrêt du 18 janvier 1821.

72. -9° On renonce à le prescription lorsque, pouvant faire juger une question de propriété par la possession, on consent à ce qu'elle soit décidée par les titres seulement. Ecoutons un arrêt inédit de la cour de Nancy du 30

Les demoiselles Verny sont actionnées par Trapet en paiement d'une lettre de change souscrite par leur père; elles opposent la pres- | avril 1831 (2o chambre) :

cription de cinq ans (art. 189, code de comm.); mais en même temps, et sans en faire l'objet de conclusions subsidiaires, elles demandent à être admises à la subrogation autorisée par l'art. 1699, Code civil, contre tout cessionnaire de droits litigieux. Le tribunal leur donne acte de leur demande.

La cour de Riom, saisiedu débat, fut frappée de cette circonstance, savoir, que la demande en subrogation avait été formée par des conclusions principales. Peut-être aurait-elle pu suppléer à l'inexpérience qui avait formulé ces conclusions contradictoires en elles-mêmes, et considérer, d'après l'intention probable de la partie, que la dite demande en subrogation n'était que subsidiaire et subordonnée au cas où la prescription aurait été interrompue. Mais, s'arrêtant à la lettre plutôt qu'à l'esprit, elle décida, par arrêt du 18 juin 1819, que demander à exercer la subrogation légale, c'était offrir virtuellement de payer la dette, sinon au taux de la somme exprimée dans l'effet en question, au moins au taux de la somme pour laquelle cet effet avait passé du créancier primitif au créancier actuel; qu'ainsi cette offre devait écarter la présomption de paiement, et par conséquent la prescription invoquée.

<<< Considérant que les neuf propriétaires >> dont les héritages sont situés au lieu dit en >> haut du Rouverot ont entendu procéder entre >> eux à un bornage amiable qui les intéressait >> exclusivement; qu'ils pouvaient dès lors se ré>> server tous leurs moyens, pour que la pro>> priété de chacun fût réglée, non-seulement » d'après les titres, mais encore d'après la pos>> session ancienne; mais qu'il n'en a pas été >> ainsi; qu'au lieu de chercher à se prévaloir >> de la prescription, ils ont stipulé que le bor>> nage se ferait d'après les titres; qu'il est évi>> dent que, la partie de Châtillon ayant souffert >> des anticipations considérables, et ayant ma>> nifesté la volonté de les faire cesser, la con>> vention intervenue entre tous les signataires >> de l'acte du 4 novembre 1831 a eu pour but >> de faire rentrer chacun d'eux dans les conte>> nances auxquelles ils avaient droit d'après les >> titres, de manière que les usurpations fussent >> effacées et que les actes reprissent leur auto▸ rité; qu'ainsi la partie de Lafflize a renoncé >> à l'exception de prescription dont elle se pré>> vaut aujourd'hui, exception qui ne saurait se >> concilier avec la nature des pouvoirs donnés >> à l'expert nommé par le susdit acte du 14 >> nov. 1831; que ledit expert ayant été chargé >> de procéder seulement d'après les titres, il

Les demoiselles Verny se pourvurent en cassation; mais, par arrêt de la section des requêtes ❘ >> implique contradiction qu'on le rendit juge du 18 janvier 1821, leur pourvoi fut rejeté, >> de faits possessoires et d'une prescription qui

◄ attendu que l'arrêt constate, dans l'espèce, que >> les conclusions principales des demanderesses » tendaient à obtenir la subrogation au créan> cier cessionnaire; d'où résulte, par une con>> séquence nécessaire, l'aveu que la dette n'a>> vait pas été payée, et que la cour de Riom » n'a violé aucune loi. >>>

Cet arrêt peut paraître sévère, et l'on voit que la cour de cassation passe, sur ces questions, d'une rigueur judaïque à une excessive

>> ne peuvent s'établir qu'à l'aide de preuves >> faites devant les tribunaux; que c'est à tort, >> du reste, que la partie de Lafflize voudrait >> faire considérer les fonctions de l'expert >> comme celles d'un arbitre, etc.>>>

73.-10° Il y a beaucoup d'auteurs qui pensent que, lorsqu'un acte est synallagmatique, la partie qui demande contre l'autre l'execution de l'obligation à laquelle elle a droit, renonce implicitement parlà à profiter de la prescription de l'obligation qui la lie [1]. On fonde cette opinion sur ce que, dans les contrats bilatéraux, on ne peut prescrire contre un droit corrélatif à un autre, tant que ce dernier subsiste toujours.

Mais nous établirons ailleurs que cette règle est fausse, et que rien n'empêche que l'une des parties ne se libère par la prescription, tandis que l'autre demeure sous le lien de son obligation [2]. Or, la règle étant vicieuse, la conséquence l'est également, et l'on ne doit pas hésiter à décider que celui qui demande l'exécution d'une obligation en vertu d'un contrat synallagmatique n'est nullement censé renoncer à opposer la prescription de l'obligation corréla

tive.

Le contraire a cependant été jugé par arrêt de Riom, 28 mai 1810.

En 1718, les frères Dussaulnier cèdent à J. Boyer le domaine de Chambon, et acquièrent en échange celui de Bussac: les premiers exécutent franchement le contrat par la mise en possession de Boyer; mais ce dernier conserve le domaine de Bussac.

Trente ans s'écoulent, et Boyer n'avait pas encore délivré cet héritage aux frères Dussaulnier. En 1748, il venait de vendre à un sieur Rodde le domaine de Chambon, lorsque celui-ci fut inquiété par des créanciers hypothécaires de Dussaulnier. Il met alors en cause Boyer, son vendeur. Boyer recourt en garantie contre les frères Dussaulnier.

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>> sa qualité et son effet de titre commun; qu'il >> ne peut servir à l'un sans servir également à >> l'autre, quand même celui qui l'a produit au>> rait protesté de ne vouloir l'employer qu'au >> chef qui sert son intérêt, et sans pouvoir le >> retirer lorsque les choses ne sont plus entiè

» res. »

Cet arrêt repose sur une erreur et ne saurait faire autorité: j'aurai occasion de démontrer plus tard le vice fondamental dont il est entaché! Je me contenterai, pour le moment, de lui opposer un arrêt rendu en sens contraire par la cour royale de Nancy, à la date du 5 août 1830, dans la cause de la commune de Languibert contre le domaine de l'État. Cette commune jouissait de droits d'usage considérables, qui lui avaient été octroyés moyennant des redevances. Pendant un long espace de temps, le domaine ne réclama pas ces redevances, et il s'écoula soixante-un ans sans qu'elles fussent payées. La question était de savoir si la commune, ayant joui sans interruption de ses droits usagers, et demandant à être maintenue, pouvait opposer la prescription des redeyances qui, dans l'origine, avaient été constituées pour en être l'équivalent. Le domaine faisait valoir les doctrines consacrées par l'arrêt de Riom, et enseignées par les savans auteurs que j'ai cités ci-dessus. Mais son système fut rejeté tout d'une voix sur mes conclusions conformes (infrà, no 53).

74. J'ai insisté assez longtemps sur des détails de faits que peut-être le lecteur trouvera fastidieux; mais je devais faire passer sous ses yeux cette revue instructive (infrà, no 612). Je la clos ici, pour rentrer dans l'exposé des prin

Frappés de cette demande, ces derniers répondent en sommant Boyer de leur délivrer le domaine de Bussac. Boyer oppose la prescription. On lui objecte que l'acte dont il demande l'exé-cipes. cution est synallagmatique; qu'ainsi il ne peut s'en prévaloir sans l'exécution de son côté; qu'on ne saurait acquérir de prescription contre un titre commun dont on veut profiter.

Ce dernier système, proscrit d'abord par le tribunal de première instance, triompha par l'appel devant la cour de Riom par l'arrêt que j'ai cité. J'en extrais le considérant suivant : << Attendu, en principe de droit, que tout de >> mandeur qui fonde son action sur un contrat >> réciproquement obligatoire donne droit à son >>> adversaire d'en réclamer l'exécution en sa >> faveur, quelque temps qu'ait duré l'inexécu» tion à son égard, et sans qu'il soit permis de >> se prévaloir de la prescription contre lui, >> parce que ce titre, une fois produit, reprend

[1] Dunod, Prescript., p. 51 et 73. Favre, Cod., lib. 7, t. 13, défin. 20. Merlin, Répert., Prescript.

Occupons-nous des effets de la renonciation. La reconnaissance de la dette prescrite né couvre la prescription que contre le débiteur dont elle émane et contre ses héritiers ou représentans; mais elle ne la couvre pas contre les co-débiteurs solitaires qui sont demeurés étrangers à l'acte de reconnaissance, ni contre ses cautions, ni contre les tiers-détenteurs qui, avant la reconnaissance, auraient acquis des héritages hypothéqués à la dette, etc. En effet, le débiteur ne peut renoncer que pour lui et ses ayant-cause; mais il n'a pas le droit d'abdiquer au préjudice des droits acquis à des tiers [3].

Si cependant il paraissait que le débiteur n'a pas agi seul, et que la renonciation lui est commune avec son co-débiteur, qui l'aurait tacite

[2] Merlin a changé d'avis, Quest., vo Prescript. Infra, n. 534. [3] Pothier, Oblig., n. 666. Voy. Vazeille, n. 342.

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