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qu'il a le droit de jouir!!! » On voit ici quel démenti profond le Co le donne à cette idée, et par les termes, dans les art. 1709 et 1719-3°, et par les choses, dans les art. 1719-20, 1720, 1724, 1769 et suiv.

Le droit du preneur n'est point in re, mais ad rem: il ne se poursuit point in rem-generaliter, mais specialiter-in personam istam, contre le propriétaire, qui est personnellement OBLIGE, et seul obligé, à faire tout ce qui est nécessaire pour procurer au locataire la jouissance de la chose louée. Le locataire n'a donc pas le droit immédiat et à lui propre de jouir; mais le droit de faire intervenir un tiers qui lui procure la jouissance: sans doute il a le droit de jouir, mais par l'intervention d'un tiers, et non pas le droit de jouir immédiatement par sa seule autorité.

III.-460.3o Maintenant, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, parce que s'il s'agissait de choses appartenant à celui qui en jouit, ce ne serait plus l'usufruit proprement dit, l'usufruit formel, ce serait un simple usufruit causal, se confondant dans le dominium, dont il n'est pas séparé.

4o Enfin, c'est le droit de jouir des choses comme le propriétaire lui-même, c'est-à-dire avec les mêmes prérogatives (art. 582. et 595 à 598), et aussi sous les même charges (art. 608); mais toujours en ce qui concerne seulement l'usage de la chose ou la perception des fruits: ainsi, il ne pourrait pas, comme un propriétaire, recueillir les produits qui ne sont pas fruits (art. 592, 598, alın. 2), ni louer pour plus de neuf ans, ou en renouvelant le bail plus de deux ou trois ans d'avance (art. 593). Il ne faudrait donc pas prendre à la lettre, et dans un sens absolu, ces mots: comme le propriétaire lui-même ; c'est ce que prouve d'ailleurs la fin de l'article.

En effet, l'usufruitier ne jouit de la chose qu'à la charge d'en conserver la substance. Or, on entend, en droit, par substance de la chose, non pas, comme en physique et en philosophie, l'essence inconnue cachée sous les qualités, sous les modes, quod SUB-STAT modis, mais, au contraire, l'ensemble des principales qualités qui rend la chose propre à tel usage; en sorte que l'usufruitier n'a pas le droit de changer la manière d'être de la chose. Ainsi, il ne peut pas faire d'une prairie un vignoble, ni transformer une terre de labour en un bois. Des actes de ce genre seraient un abus de jouissance qui pourrait, selon les cas, faire prononcer l'extinction de l'usufruit (art. 618).

461. C'est une question assez difficile (mais heureusement sans aucune importance) que de savoir si ces dermers mots de notre article : à la charge de conserver la substance, sont ou non la traduction du salvá rerum substantia des Institutes (1. 2, tit. 4). Trois sens différents ont été donnés à ce dernier texte. L'un est celui que repro fuit notre article, à la charge de conserver la substance; il indique l'une des principales obligations de l'usufruitier. Selon certains interprètes, les mots salva substantia signifieraient tant que dure la substance, ce qui aurait pour but d'indiquer la durée de lusufruit, en faisant connaître l'une des manières par lesquelles il prend fin, savoir le changement de substance dans la chose. Enfin, d'autres pensent que Justinien a voulu indiquer sur quelles choses peut s'établir un usufruit véritable; en sorte que la phrase jus alienis rebus utendi-fruendi, salvâ rerum substantia (le droit d'user et de jouir des choses d'autrui, sans destruction de leur substance), exprimerait le droit d'user et de jouir des choses dont l'usage et la jouissance n'emportent pas la consommation immédiate. C'est à cette idée que se rapporteraient les paroles suivantes : Est enim jus in corpore, quo sublato et ipsum tolli necesse est, et ces autres : res (quæ ipso usu consumuntur) neque naturali ratione, neque civili, recipiunt usum fructum.

Quoi qu'il en soit du sens de cette phrase, les trois idées par lesquelles on veut l'expliquer sont également vraies; il est vrai que l'usufruitier est tenu de conserver la chose et de la maintenir dans le même état; il est egalement vrai que l'usufruit s'éteindrait par la destruction de la chose, et que dans les principes romains il s'éteignait aussi par tout changement de la substance, mutatione rei; il est vrai, enfin, et évident par les termes mêmes, que les choses qui doivent se consommer par le premier usage qu'on en fera ne sont pas susceptibles d'un usufruit véritable (Voy. art. 581).

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L'usufruit est établi par la loi, ou par la volonté de

volonté de l'homme.

SOMMAIRE.

I. Quand l'usufruit est établi directement par la loi. - Comment il s'établit par la 11. Il s'établit aussi par prescription, mais non par jugement. Erreur de Malleville.

I. - 462. L'usufruit est établi directement par la loi: 1o au profit des père et mère sur les biens de leurs enfants mineurs de dix-huit ans et non émancipés (art. 384); il l'est encore 2o dans le cas de succession à une personne qui laisse pour héritiers dans une ligne son père ou sa mère, et dans l'autre des parents collatéraux autres que les frères et sœurs ou descendants de frères et sœurs : dans ce cas, le père a droit à l'usufruit du tiers des biens que prennent les collatéraux maternels; et réciproquement pour la mère, si c'est elle qui survit (art. 753, 754),

Quant aux art. 1401, 1530 et 1549, au titre du Contrat de mariage, ils établissent bien aussi, soit au profit de la communauté dont le mari est chef, sort directement au profit du mari lui-même, un droit d'usufruit sur les biens de la femme; mais les futurs époux étant libres d'adopter tel ou tel des divers régimes de mariage, l'usufruit est alors établi par convention, par la volonté de Thomine, plutôt que par la loi même.

Il est clair qu'un propriétaire peut établir un droit d'usufruit sur tout ou partie de ses biens, de la même mamère qu'il pourrait les aliéner : il peut le faire par acte de dernière volonté ; il le peut par acte entrevifs, soit à titre gratuit, soit à titre onereux. Dans tous les cas, il peut l'établir directement ou par déduction: directement, c'est-à-dire en conférant à un tiers l'usufruit du bien qui lui appartient; par déduction, c'est-à-dire en réservant pour lui-même ou pour ses héritiers l'usufruit du bien qu'il aliène.

II. - 463. Le droit d'usufruit peut s'établir aussi par prescription. En effet, l'usufruit est un bien meuble ou immeuble, selon la nature mobilière ou immobilière de son objet (art. 526, 529, no I); or. les biens incorporels, les droits, sont susceptibles d'être possédés et par conséquent d'ètre acquis par prescription, tout comme les biens corporels : <<< La possession, dit l'art. 2228, est la détention ou la jouissance d'une « chose ou d un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous« mêmes ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom. >>> Donc la prescription de l'usufruit s'accomplira par la possession du droit, c'est-à-dire par son exercice, immédiatement quand il s'agira de choses mobilières (art. 2279); et pour les choses immobilières, par dix ou vingt ans s'il y a juste titre et bonne foi (art. 2265), et par trente ans dans le cas contraire (art. 2262).

Il ne faudrait pas dire que celui qui se croit usufruitier ne peut pas prescrive, attendu qu'il ne possède pas à titre de maître. animo domini (art. 2236); ce serait prendre le change. Sans doute, l'usufruitier, ou celui qui se croit tel, ne possède pas à titre de maître la chose soumise à Tusufruit; mais ce n'est pas de la prescription de cette chose que nous parlons, c'est seulement de la prescription du droit même d'usufruit. Or, cet usufruit, ce bien incorporel, il est clair que l'usufruitier réel ou putatif le possède, l'exerce. comme sien. - Qu'on ne dise pas non plus: Le bien incorporel, c'est le droit même : or, ce droit ne peut exister qu'après la prescription accomplie; donc jusque-là le bien n'existant pas, ne peut pas être posséde, et s'il ne peut pas être possédé, il ne peut pas s'acquérir par prescription. Cette subtilité est inadmissible: si le droit mème n'existe pas (puisque c'est lui qu'il s'agit de réaliser par la prescription), il existe un droit putatif dont la possession est très-réelle, dont l'exercice est visible et saisissable pour tous, et qui peut très-bien présenter les caractères exigés par les art. 2228 et suivants pour l'acquisition par prescription. En présentant la possession comme moyen d'acquisition, aussi bien pour les droits que pour les choses corporelles (art. 2219, 2228, 2229), il est clair que la loi n'entend pas parler de l'acquisition d'un droit qui vous appartiendrait dejà, ce qui serait absurde. C'est donc de l'exercice du droit putatif que parle l'art. 2228 (1).

Ainsi, j'achète à prix d'argent, sur une ferme on une maison, uu droit d'usufruit, d'une personne que je crois propriétaire du bien et qui ne l'est pas. Il est clair que je ne pourrai jamais acquérir par prescription la ferme ou la maison, car je ne les possède pas et ne puis pas les posséder à titre de propriétaire (art. 2246, 2230); mais après le

(1) Conf Toullier (111-393), Proudhon (11-750), Vazeille (no 136), Troplong (Presc., art. 2265), Duranton (JV-502), Zachariæ (11, p. 3); arrêt de la cour suprême du 19 juill. 1816.

temps voulu selon les diverses hypothèses prévues au titre de la prescription, je serai propriétaire de mon droit d'usufruit.

464. Mais l'usufruit ne saurait être établi, dans quelque circonstance que ce soit, par sentence du juge. A Rome, le juge pouvait, dans le partage de biens communs, et si ce partage lui paraissait impossible ou désavantageux à réaliser autrement, attribuer l'usufruit à l'un des copropriétaires et la nue propriété à l'autre, de même qu'il pouvait, même pour opérer un simple bornage de biens voisins, adjuger à l'un une partie du bien de l'autre ; l'adjudicatio était une des causes légales d'acquisition. Il en est autrement chez nous; l'adjudication n'est point un moyen d'acquérir dans notre droit, et le tribunal qui attribuerait à un copartageant la nue propriété d'une chose commune, pour donner l'usufruit à l'autre, dépasserait ses pouvoirs et ferait un acte nul et insignifiant. -On s'étonne de lire le contraire dans l'ouvrage de Malleville (art. 579-581), qui du reste est contredit par tous les auteurs. Le tribunal saisi d'une demande en partage n'a pas d'autre droit que d'ordonner 1o le partage en nature des choses reconnues facilement partageables, et 2o la licitation des autres.

580.

L'usufruit peut être établi ou purement, ou à certain

jour, ou à condition.

465. Que l'usufruit soit établi par acte entre-vifs ou par acte de dernière volonté, il peut l'être 1o à terme, c'est-à-dire pour finir après un temps déterminé, ad diem, ou pour commencer à telle époque déterminée, ex die; 2o sous condition, soit suspensive (par exemple, vous aurez l'usufruit de ma ferme si vous n'êtes pas nommé à tel emploi), soit résolutoire (par exemple, je vous donne l'usufruit de ma ferme, mais cette concession sera non avenue si vous êtes nommé à cet emploi); 3o enfin purement, c'est-à-dire sans aucun terme ni condition.

581. - Il peut être établi sur toute espèce de biens meubles ou immeubles.

I.

SOMMAIRE.

L'usufruit ne peut pas exister sur les choses de consommation.

II. Ni sur les choses fongibles.
III. Mais il existe, pour ces diverses choses, un quasi-usufruit qui justifie la dis-

I.

position de notre article.

466. A proprement parler, tous les biens ne sont pas susceptibles d'usufruit, d'un usufruit véritable; l'usufruit ne peut pas s'établir sur les choses de consommation. En effet, l'usufruit est le droit de jouir d'une chose dont un tiers conserve la propriété; il suppose donc la séparation de l'usus et du fructus d'avec l'abusus. Mais s'il en est ainsi, il est donc impossible pour les choses dont l'usus est en même temps l'abusus... Ainsi, comment pourrais-je être usufruitier d'une

5 ÉDIT., T. II.

29

pièce de vin? User et jouir d'une pièce de vin, c'est ni plus ni moins la boire; mais, avoir le droit de boire ce vin, c'est en avoir la disposition, l'abusus, la propriété même ; en sorte que ce n'est plus là le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété. Donc, quand vous me consentez un droit d'usufruit sur des choses de consommation, il n'y a là de l'usufruit que le nom, et au lieu d'un simple démembrement de la propriété, vous me concédez la propriété même; c'est une aliénation complète de la chose. Aussi Justinien, après avoir dit, comme notre article, que l'usufruit peut être établi sur toute espèce de choses (Instit., 1. II, t. Iv, § 2), a-t-il soin d'ajouter: Exceptis iis quæ ipso usu consumuntur; nam hæ res, neque naturali ratione, neque civili, recipiunt usumfructum. II.

467. Et ce n'est pas seulement pour les choses qui, d'après leur nature même, doivent se consommer par le premier usage, c'està-dire pour les choses de consommation, que l'usufruit est impossible, c'est également et par la même raison pour les choses qui doivent se consominer ainsi d'après l'intention des parties, pour les choses fongibles, alors même qu'elles ne seraient pas choses de consommation. Ainsi, des meubles meublants, tels que secrétaires, armoires, bibliothèques, tapis, etc., ne se consomment pas par le premier usage naturel, ordinaire, et dès lors ils sont en général susceptibles d'usufruit. Quand mon oncle meurt en me léguant l'usufruit de sa maison de campagne et des meubles qui la garnissent, j'ai un véritable usufruit sur ces meubles aussi bien que sur la maison, je ne suis pas plus propriétaire des premiers que de la dernière.

Mais si, dans telle circonstance particulière, les choses doivent se consommer par le premier usage intentionnel, par un usage auquel elles ne sont pas destinées par la nature ordinaire des choses, mais auquel les destine la volonté spéciale des parties, il est clair qu'il n'y aura pas d'usufruit possible. Ainsi, supposons qu'un marchand de meubles mourant sans enfants lègue à son frère, marchand de meubles comme lui, l'usufruit de son magasin; puis à son neveu, la nue propriété de ce magasin: il est clair que ce n'est pas un simple droit d'usufruit qui appartiendra au frère; il est clair que le défunt n'a pas entendu ne léguer à son frère que le droit de dérouler, pour se promener dessus, les cent tapis amoncelés dans un coin,... de ranger des livres dans les 30 ou 40 bois de bibliothèques,... de serrer son linge et celui de ses amis dans les commodes et les armoires, et ainsi du reste. En léguant l'usufruit de son magasin, de son fonds de commerce, à un parent de sa profession, le défunt a évidemment entendu que ce parent continuerait le commerce en vendant toutes les marchandises, à la charge de les remplacer, pour vendre ensuite les nouvelles et les remplacer encore; de manière à maintenir toujours sur le même pied le magasin et son achalandage, choses dont le neveu a la nue propriété, et dont il prendra la jouissance quand s'éteindra la jouissance du frère. Mais, puisque ce frère peut et doit vendre les meubles, il en a donc l'abusus et non pas seulement l'usus fructus, il en est donc propriétaire;

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